Préambule — Pourquoi je cours ? J’aime me donner à fond, tester mes limites et tenter de les repousser. Je me considère chanceux d’en avoir la chance assez souvent. Mais le marathon est dans une catégorie à part. La ligne est mince entre faire une bonne et une mauvaise course. Ça prend des semaines et des mois de préparation pour arriver fin prêt le matin de la course. Il y a une multitude de détails qui peuvent tout faire foirer. On en contrôle certains, d’autre pas. Et même lorsque tous les ingrédients sont réunis et que les conditions sont optimales, il y a immanquablement un moment dans le derniers tiers de la course où un combat mental s’ajoute à l’effort physique. Des questions telles que « est-ce que ça va tougher ? » ou « pourquoi je fais ça ? » viennent semer le doute. C’est la satisfaction de vaincre ce doute, malgré l’inconfort physique intense, qui rend cette épreuve unique.
Pré-course
Le récit de cette course débute il y a trois ans, avec l’inscription au marathon de Chicago d’octobre 2020. Six mois après le marathon de Boston d’avril 2020, l’année de course à pied et de voyage entre amis s’annonçait bien remplie. Quelques annulations et reports plus tard, sans parler des blessures et autres péripéties de la vie, c’est finalement jeudi dernier que je prenais la route de la ville des vents, avec une délégation réduite composée de Danick et Vincent. Un joyeux mélange de jeunesse et d’expérience, de discipline et de niaiseries!
L’avantage de faire 15 heures de char et d’arriver deux jours avant la course, c’est que chaque détail logistique a été minutieusement analysé et déterminé. Nous avons eu tout le temps d’étudier le parcours, les prévisions météo, l’emplacement du départ, le trajet en train aller-retour, etc. Avec un total cumulé de plus de 40 marathons, nous avons honoré le côté « professionnel » des Road Dogs !
Au cours de la dernière année, j’ai pu profiter d’un très bon niveau de forme et de l’absence de blessure sérieuse pour faire plusieurs très bonnes performances, en course comme en entraînement. Ces résultats et les bonnes sensations dans les dernières semaines me donnaient une grosse dose de confiance. Seule ombre au tableau, une sensation désagréable dans le bas du dos apparue à la mi-septembre qui s’est transformée, à deux semaines du jour J, en vive douleur dans la fesse et la cuisse gauche. Pendant deux jours, je marchais avec difficulté et grimaces ! Quelques jours de repos, deux séance de physio, beaucoup d’étirements et d’exercices sur dynadisk… j’ai fait tout ce que je pouvais pour y remédier. Je partais donc avec le doute que ça puisse coincer pendant la course, mais la certitude d’avoir fait le maximum en mon contrôle.
J’ai déterminé mon pace de départ en fonction des sensations des derniers mois, de l’expérience de mes deux derniers marathons (p’tit train 2019 et 2021), avec une fourchette entre 3:36/km et 3:42/km, ce qui donne entre 18:00 et 18:30 sur 5k, entre 1h16 et 1h18 au demi. C’est une fenêtre un peu large, mais qui me permettait de m’ajuster en fonction des conditions et du feeling. Avec le temps frais, c’était plutôt tentant de viser le bas de la fenêtre !
Après un bref échauffement, à peine 4 minutes, je rejoins l’aire de départ tardivement, alors que des centaines (des milliers!) de coureurs et coureuses y sont déjà. Je me faufile poliment vers le devant de la vague afin d’éviter d’avoir à jouer dans le trafic. J’y arrive pendant la présentation des élites, le temps de prendre un gel, ils et elles s’élancent à 7h30, alors qu’on demeure confinés (!!) derrière. Les bénévoles nous font signe d’avancer jusqu’à la ligne de départ, et il se produit alors quelque chose d’assez inusité… quelques dizaines de coureurs arrivent à la ligne et commencent à courir… faux départ !!! Le temps que tout le monde reprennent sa place, c’est 2 minutes après les élites qu’on part enfin.
La course
Pour éviter d’être induit en erreur par l’imprécision du GPS à travers les gratte-ciels et les viaducs, je ne regarde pas ma montre pendant les premiers km. Je laisse mes jambes aller et mon souffle dicter le rythme. J’observe les autres à la recherche de ceux et celles qui vont courir à mon rythme. Contrairement à des courses plus petites, il y a ici des centaines de personnes qui courent plus ou moins à ma vitesse, c’est impressionnant et un peu déroutant. Il y a constamment des dépassements pendant les dix premiers km. J’ai parlé brièvement avec quelques coureurs, mais jamais plus de quelques minutes suite aux changements de position. Les sensations sont excellentes et avec la foule nombreuse et bruyante de chaque côté de la rue, ça avance tout seul.
Premier split à la marque des 5 km, 17:50. Un peu plus vite que prévu, alors je lève le pied légèrement. Vérification de la fréquence cardiaque, que j’aurais souhaité conserver en bas de 160 un certain temps… oups 166 ! Bon je dois ralentir pour vrai. J’essaie de laisser aller ceux que je juge trop rapides (il y a encore beaucoup de changement de position!) et de rechercher un rythme confortable. Je me concentre sur ma respiration, sur ma posture, j’essaie de relaxer. Ça donne un 5k en 18:16, parfait!
Peu après le 12e km, la prise d’un gel et d’une gorgée d’eau, on amorce le retour vers le sud, après une longue ligne droite vers le nord le long du lac Michigan. Le vent du sud-ouest se fait alors sentir, il est temps de profiter de l’aspiration, préférablement derrière un grand de 6 pieds et plus. Ça tombe bien il y en a plusieurs ! Ça avance toujours bien, l’effort est modéré et la FC oscille autour de 165. Tous les indicateurs sont verts ! 3e split, 18:20.
Toujours en direction sud, je me suis installé depuis quelques km derrière un groupe de 7-8 coureurs et coureuses qui me protègent du vent. À une station d’eau, j’en profite pour passer en avant et aller faire ma part. L’effort pour garder le rythme contre le vent est plus grand et après quelques minutes, je commence à être tenté de laisser ma place ou de ralentir. Il se passe alors quelque chose de plutôt surprenant : un groupe de six (dont trois gars avec la même camisole « fleet feet » ) nous dépasse et vient se poster devant moi en prenant une allure légèrement plus rapide. Sans hésitation, je saute dans le train. On est au 19e km, c’est le moment d’être audacieux, quitte à devoir payer le prix plus tard. 4e split, 18:21.
Peu après le 20e km, je constate que je suis le seul de mon groupe précédent à avoir suivi le train. On passe le demi en 1h16:45. Les muscles répondent encore bien, mais la FC est maintenant au-dessus de 170 et j’appréhende ce qui s’en vient. Nouveau gel, gorgée d’eau et le reste du gobelet sur le coco. Il commence à faire chaud! On se dirige maintenant vers l’ouest, toujours avec un vent de face que je suis bien content de me faire couper. La cadence est bonne, je m’accroche et je ne me pose pas de question. 5e split, 18:04.
Après le 25e km et le virage pour revenir vers le centre-ville, le groupe se disloque. Je remercie les gars de la fleet feet et je me mets en chasse du coureur qui est parti en avant. Le vent n’est plus un facteur, mais il n’y a pas d’ombre dans cette section. Je me ravise rapidement, je ne suis pas en mesure d’accélérer. La mission sera de garder le rythme le plus longtemps possible. Autour du 28e km, je sens une douleur familière s’installée dans mon quad gauche, signe que les réserves de glycogène sont épuisées. J’arrive à maintenir la vitesse mais ça devient difficile. J’essaie de m’occuper l’esprit en observant le décor, les spectateurs, les coureurs et coureuses (qui remplissent toutes très bien leurs shorts comme dirait Vincent!). 6e split, 18:07.
Dernier gel, gorgée d’eau et le reste sur le coco. La douleur dans le quad gauche est maintenant balancée par celle dans le droit. C’est ici que le doute se pointe le bout du nez et que les calculs de temps/distance restant(e) commencent! Si je cours à 3:45/km ça donne 2h33. Ouf non ça ne le fera pas! Et si je termine à 4:00/km ça donne quand même un PB…. Ce serait tellement plus confortable de marcher… Mais si je marche aucune chance que je recommence à courir… Et si je vois une toilette, je pourrais y aller… Aaaahhh !!! C’est un effort autant mental que physique !! 7e split : 18:47.
Quand il reste moins de 7 km (2 tours de lac…), je sais que je vais rejoindre l’arrivée, moins de 30 minutes à tenir, mais le rythme est hors de contrôle, impossible d’aller plus vite. Tous mes muscles sont vidés, détruits, anéantis. Mais c’est la tête qui mène, on va finir cette course. 8 split, 19:12.
À 40 km, je constate que le chrono final sera sous 2h36, bon pour le PB. Je tente quand même d’accélérer, pour finir avec panache. Rien à faire, je reste collé à 3:50/km. Je me fais dépasser par quelques coureurs et une coureuse qui faisait partie de mon groupe de 15 à 18 km, je l’encourage au passage. À 400m, je constate qu’il me reste 1:12 pour faire 2h34:59… autrement dit 3:00/km, ce sera pour la prochaine fois 😅
Temps final : 2h35:12
Overall : 224e et 8e canadien
Groupe d’âge 35-39 : 25e
Extrêmement satisfait de cette course et du voyage !
Bien hâte de remettre ça au printemps à Boston !
Merci à mes parents pour le gardiennage !
Merci à Troy et Olivia pour les soins !
Merci aux Road Dogs pour le trip !
En lisant ce récit de course je me suis rendu compte le courage et la détermination qu’il faut
Félicitation je suis très fière d’avoir un petit neveu qui va au bout de ses performances 👏 BRAVO