Courir 2 fois par jour

Courir 2 fois par jour

Runwise

Augmenter votre volume de course à pied est le moyen le plus efficace pour maximiser votre progression sur toutes les distances si vous voulez vraiment améliorer vos chronos du 1500m au marathon ou même sur de l’ultra.

Toutefois, à partir d’un certain volume d’entrainement il devient à la fois plus difficile, mais aussi plus risqué d’augmenter votre kilométrage. C’est à ce moment-là que se pose la question de courir 2 fois dans la même journée.

Dans cet article, je vais vous donner mon point de vue sur l’entrainement biquotidien, une pratique qui est utilisée par la grande majorité des coureurs élites et qui demeure très utile pour les coureurs amateurs.

Pourquoi doubler ?
Raison #1, les doubles sont la façon la plus simple d’augmenter votre volume de course. Si vous ajoutez une deuxième course de mettons 30 minutes par-ci par-là, cumulées sur une année, cela vous donnera un gros boost de fitness. L’autre truc intéressant avec les doubles c’est qu’ils induisent un gain de forme sans augmenter le risque de blessure dans les mêmes proportions.

Raison #2, le corps s’adapte mieux aux stimulus fréquents, d’où l’adage : « practice makes perfect » par contre c’est à condition que vous lui donniez les conditions pour s’adapter (nutrition, manger assez, sommeil, etc.). Notez qu’un 20k est plus risqué que 2x10k couru à 6 heures d’intervalle dans la même journée. Le fait de répartir la charge avec une fenêtre de récupération permet au corps de se réparer et comporte donc moins de risque pour surement autant de bénéfice.

Raison #3, un autre avantage auquel on pense moins concerne les hormones de croissance. Le fait de doubler stimule leur production 2 fois dans la journée, or les hormones de croissance permettent de développer et de réparer les muscles et contribuent donc à votre progression.

Sachant que la production d’hormone de croissance atteint un effet plateau après 40 minutes de course on comprend donc pourquoi 2 jogs de 40 min sont d’une certaine façon plus bénéfiques qu’une sortie de 80 minutes

Courir 2 fois par jour - courir québec

Autre avantage #4 de l’entrainement biquotidien, c’est que vous vous entraînez dans un état de pré-fatigue. Ça vous permet donc d’accéder à différentes fibres musculaires qu’il vous serait difficile d’entrainer en temps normal.

Et dernier intérêt #5, les doubles sont très pratiques pour les coureurs qui n’ont pas de longs créneaux disponibles dans leur journée, mais qui ont plusieurs trous dans leur journée, je pense, par exemple, à ceux qui ont des boulots prenants, des enfants, etc.

Voilà pour les bénéfices, maintenant, on va y aller en mode FAQ pour voir comment bien doubler, car si les doubles peuvent vous donner un gros boost de forme, ils peuvent aussi précipiter votre fin de saison si mal réalisés.

À partir de quel volume doubler ?
Vous pouvez ajouter un petit 30 minutes quelques fois par semaine dès 50 kilos et disons si vous courez déjà au moins 4-5 fois par semaine. Toutefois, ma recommandation serait plutôt d’augmenter votre nombre de sorties en priorité à 5 ou 6 par semaine, car la fréquence c’est vraiment ce qui vous fera progresser.

Je vous déconseille de rajouter des doubles si vous n’êtes pas encore apte à courir au moins 45 minutes en continu plusieurs fois par semaine. Quelle que soit votre distance de compétition, vous avez besoin d’endurance et pour ça il faut courir longtemps.

Maintenant le volume idéal pour commencer à doubler se situe plutôt autour de 70-80 kilos par semaine c’est-à-dire 5-6 sorties hebdomadaires.

Combien de fois par semaine ?
Si vous n’avez jamais ou presque jamais doublé, ajoutez seulement un easy jog d’environ 25-35 minutes dans votre semaine, et on va voir précisément comment juste après. Commencez graduel, le dosage c’est la clé.

Doubler sur les jours de séance ou de easy jog ?
Il y a deux façons de faire. Soit vous ajoutez un jog de 30 minutes le jour de votre séance de qualité, ça peut être avant ou après. Personnellement j’ai une petite préférence pour après, car je me sens plus frais pour la séance de qualité.

Soit en option 2, vous ajoutez une course de 30 minutes sur un jour de recup donc après une séance de qualité.

Si vous débutez avec les doubles, je vous recommande la première option, car au moins le jour facile est vraiment facile. L’idéal ce serait d’avoir votre séance le matin ou à midi puis de courir un petit 30 minutes en fin de journée.

Sinon pour ceux qui font du commute pour aller au boulot ou en cours, le double sur une journée de easy peut être parfait. Vous perdez moins de temps et les kilomètres s’accumulent en toute souplesse.

Petite remarque, je ne vous conseille pas de sortir courir pour moins de 30 minutes, car moins que ça et les bénéfices n’en valent pas vraiment les efforts selon moi.

Double versus simple ?
Un 20k n’affecte pas votre corps de la même façon que 2x10k espacés par plusieurs heures de récupération. Un 20k sera plus taxant sur le corps, génère davantage de lésions musculaires et nécessite plus de temps à récupérer. Donc à moins que vous soyez en prépa marathon, ça n’a pas vraiment d’intérêt.
Selon moi après 1h de course le court risque-bénéfice commence très vite à se dégrader. Donc à part votre longue run qui a sa place dans votre planif, je pense que les doubles sont plus intéressants d’un point de vue gain de forme et vitesse de récupération.

En fait, c’est question est plus complexe qu’il n’y parait, mais l’important c’est votre charge totale en fin de semaine, donc peu importe comment vous faites votre kilométrage du moment que vous le faites.

Important aussi, c’est de considérer la distance sur laquelle vous voulez performer. Pour un coureur de 1500m / 5000m les plus petits doubles sont avantageux. Alors que les marathoniens doivent avoir plus de courses longues dans leur semaine. Un coureur de 5k pourrait donc faire 10k le matin et 10k soir, alors qu’un marathonien pourrait faire 14k et 6k.

Est-il bénéfique de doubler avec un autre sport d’endurance ?
Oui, ajouter du vélo, du ski de fond ou de la natation c’est intéressant. Par exemple 1h de vélo après ou avant votre course, ça engendre des adaptations cardiovasculaires ainsi que sur l’ensemble de votre système musculosquelettique.

Toutefois, ce stress est moins spécifique, vous ne travaillez par le geste de course, donc moins propice à améliorer votre économie de course. De plus, les sports portés créent moins d’impact sur le corps, ce qui est intéressant seulement si vous êtes à risque de blessure.

Dans un monde idéal, vous voulez cumuler le plus de volume possible dans votre sport de spécialisation. C’est le principe de spécificité et ça explique pourquoi les meilleurs cyclistes du monde ne rivalisent pas avec les meilleurs coureurs.

Je préconise d’ajouter un sport d’endurance en plus de la course dans ces situations :

1- Le ou la coureuse à un haut risque de blessure ou est en période de réhabilitation
2- Si c’est le seul moyen pour l’athlète de faire plus de volume
3- Pour les marathoniens qui veulent augmenter leur volume, mais qui courent déjà beaucoup
4- Si ça vous fait plaisir de faire ce sport, évidemment allez-y !

Concrètement, je fais comment pour doubler
Bon, prenons un exemple concret, voici une semaine type d’un coureur qui court environ 80 kilos par semaine.

Courir 2 fois par jour - Courir Québec

Il y a 2 façons de rajouter un double :

Première façon, on prend la journée du mercredi c’est-à-dire le lendemain d’une séance de qualité, et on divise le 16 kilos. Ici je ferai 10 + 6. Donc avec cette façon on n’augmente pas votre volume total, mais on se familiarise avec les doubles.

Courir 2 fois par jour - Courir Québec

Deuxième façon : ajoutez un 30 minutes la journée de votre séance de qualité.

Courir 2 fois par jour - Courir Québec

Personnellement j’irais pour l’option B, car si vous voulez augmenter votre volume hebdomadaire et pas juste double pour doubler.

On termine avec ma check list pour bien doubler :

  1. Essayez de changer de pair de chaussures sur votre 2ᵉ sortie si possible. La rotation de chaussures va diminuer votre risque de blessure
  2. Mangez bien entre vos jogs, faites le plein de calorie et vous allez voir que magiquement vos séances vont beaucoup mieux passer, votre perception d’effort va diminuer et vous progressez plus vite.
  3. Courez plus lentement que d’habitude, surtout si votre double est avant une séance. Je me souviens qu’en 2016, l’année où j’ai connu une grosse progression, j’avais ajouté un 30 minutes à 6’ du kilo, soit bien plus lent que mon allure facile, ça m’a permis de courir 130 kilos pendant 10 semaines et de connaitre mes meilleures courses de cross-country.
  4. Le saint Graal ce serait de faire une sieste même de 15 minutes si c’est possible, cela vous donnera de bien meilleures sensations sur votre deuxième course.
  5. Laissez-vous au moins 4 heures entre vos deux courses, idéalement 6 heures, souvent le plus est le mieux.
Éloge de la lenteur en course à pied

Éloge de la lenteur en course à pied

Après une bonne séance d’intensité vient le fameux jog de récupération.
Facile non? Pas si vite!

Je me considère comme un coureur aguerri. Je n’appartiens certainement pas à l’élite, mais les 3 800 kilomètres parcourus l’an dernier devraient témoigner de mon engagement pour la discipline. Si l’on se fie aux dires de plusieurs entraîneurs certifiés, 80% du volume annuel d’un marathonien devrait être réalisé à basse intensité. Dans mon cas, on parle donc d’une cible de plus ou moins 3 000 kilomètres à une allure oscillant entre 5:00 et 5:25/km. Or, l’année dernière, j’ai dû parcourir 300 kilomètres à ce rythme, tout au plus. Vous vous reconnaissez?

Dans ce billet, je vous expose mes observations et quelques pistes de solutions qui vous aideront peut-être aussi à ralentir le rythme lors de vos sorties de récupération. Après tout, il s’agit aussi d’un élément important de notre plan d’entraînement!

1er constat: Courir lorsque la circulation est dense me fait aller plus vite.
Est-ce le stress contagieux des voitures? L’envie de disparaître rapidement dans la première piste cyclable? Je ne sais pas ce qui contribue exactement à accélérer ma vitesse dans ces situations, mais j’ai remarqué que j’ai besoin de me concentrer davantage sur mon allure lorsque tout tourne vite autour de moi. Ma solution? Éviter l’heure de pointe ou me stationner tout près du parcours de course à emprunter.

2ème constat: Courir avec une montre me fait aller plus vite.
Le problème avec cette affirmation réside dans le fait que je suis malheureusement esclave de cette technologie. Je compile obsessivement mes données et statistiques, je m’en confesse. À l’occasion, j’aime cependant désactiver la fonction circuit automatique de ma montre GPS qui m’affiche l’allure du dernier kilomètre parcouru. Je cours donc davantage aux sensations lors de certaines sorties et je suis moins obsédé par le pace.

3ème constat: Courir la bouche ouverte me fait aller plus vite.
Mathieu Blanchard, célèbre ultra-marathonien, avait affirmé au micro du balado Grand écart de Radio-Canada faire ses sorties de récupération la bouche fermée. Il s’agit, d’une certaine façon, de s’assurer de rester en contrôle de son allure. L’opération est d’une logique désarmante. En courant la bouche fermée et en n’utilisant que son nez pour respirer, l’apport en oxygène est réduit et nous sommes donc forcés de ralentir pour respecter le rythme des échanges gazeux. Il s’agit là d’une autre bonne façon de courir aux sensations.

4ème constat: J’ai peur de trop changer mon patron de course, donc je cours plus vite.
Une analyse rapide des quelques sorties vraiment lentes réussies en 2021 me confirme que je n’ai aucune raison de m’inquiéter. En effet, la cadence (le nombre de pas par minutes) entre ces sorties et des courses plus rapides d’une trentaine de secondes au kilomètre est quasiment identique. Dans mon cas je dois donc cesser de penser que je cours <> lorsque je me force à courir lentement. Faites-le test et comparez votre cadence, vous aurez peut-être la même surprise que moi.

Dernier constat: Avoir un tableau de motivation bien visible m’aide à garder le cap.
J’ai pris le temps, pendant la période des fêtes, d’identifier trois vecteurs de réussite pour mon prochain marathon. Je les ai appelés mes <<prédicteurs de performance>>. Je vous laisse les découvrir sur la photo suivante.

Éloge de la lenteur en course à pied - Courir Québec

Comme vous pouvez le constater, j’ai fait une place importante à la récupération. Je me suis aussi bâti un classeur Excel dans lequel je consigne de manière hebdomadaire mon engagement envers les trois prédicteurs de performance ciblés. Avec une moyenne combinée pour chacun d’eux, je peux rapidement identifier dans quelle sphère de ma préparation le terrain glisse. Ce tableau est bien visible dans ma salle à manger, une manière pour moi de garder mes objectifs en tête. Un grand merci d’ailleurs à ma femme d’accepter de dédier cet espace à la course dans notre maison.
Allez, je vous laisse. Un jog de récupération m’attends. 16 kilomètres à 5:10/km pas plus vite, c’est promis!

Bonne course!

3 conseils pour mieux s’entrainer l’hiver

3 conseils pour mieux s’entrainer l’hiver

 

La préparation d’une course de printemps n’est pas toujours évidente. En effet, la préparation se fait généralement pendant l’hiver, ce qui peut rendre l’entrainement plus ardu et moins motivant. Or, tout dépendant du niveau des coureurs·euses et du type de performance souhaité, il est possible d’adapter son entrainement hivernal pour se préparer à ses événements de course à pied.

Dans cet article, je m’attarderai à la préparation des coureur·euse·s sportif·ve·s, c’est-à-dire les adeptes de la course à pied qui participe à des événements de course pour le plaisir de courir sans accorder une trop grande importance à la performance.

Pour ces amoureux·euses de la course, il existe plusieurs options pour garder l’entrainement court, efficace et agréable en hiver. Je m’attarderai principalement aux intervalles en côte, à la répartition du kilométrage et à l’entrainement croisé.

Tout d’abord, avant de discuter des différentes options d’entrainement, je crois qu’il est pertinent d’aborder la périodisation. La périodisation est la façon de répartir les différentes phases d’entrainement afin d’amener le·a coureur·euse à performer au moment désiré. La nomenclature quant aux différentes phases peut varier d’un ouvrage à l’autre, mais les objectifs de chacune d’elles restent sensiblement les mêmes. Ainsi, il est possible de distinguer cinq phases de l’entrainement :

  1. La phase d’introduction : Cette phase sert de transition à la suite d’un repos ou d’une phase de compétition intense. L’objectif est de permettre à l’athlète de reprendre l’entrainement sur de nouvelles bases tout en limitant la fatigue physique et mentale.
  2. La phase de structuration : L’entrainement commence à cette deuxième phase. Le but est de permettre à l’athlète d’augmenter ses capacités aérobies tout en favorisant l’amélioration de points techniques tels la posture, la force, la puissance, la cadence ou tout autre point jugé pertinent.
  3. La phase de consolidation : Elle constitue une phase charnière entre la phase de structuration et la phase de préparation spécifique. L’objectif est de préparer l’athlète à la phase suivante en apprivoisant les allures de compétition.
  4. La phase de préparation spécifique : Cette phase intense du cycle vise à reproduire lors de l’entrainement, les exigences d’une course en compétition. Les allures cibles y sont également optimisées et les entrainements mobilisent essentiellement la filière énergétique prépondérante de l’épreuve de prédilection de l’athlète.
  5. L’affûtage / Compétition : Les phases précédentes ont permis à l’athlète d’atteindre son plus haut niveau de forme. La phase d’affûtage lui permet de se reposer tout en gardant un stimulus minimal pour ne pas perdre la forme. C’est lors de cette phase qu’une compétition est planifiée.

Ce cycle d’entrainement peut se répéter une seule fois par année — dans le cas d’une seule période de compétition annuelle — ou plusieurs fois si l’athlète a plusieurs phases de compétitions importantes.

Ainsi, pour le·a coureur·euse sportif·ve, la première chose à faire est d’établir son calendrier de compétitions pour être en mesure de repérer les courses les plus importantes et périodiser adéquatement son entrainement.

À titre d’exemple, pour une compétition en mai (moment où les compétitions sur route débutent généralement au Québec) l’entrainement spécifique pourra commencer mi-mars/début avril. C’est donc dire que pendant l’hiver, l’entrainement consiste à travailler la capacité aérobie de base. Pour ce faire voici quelques suggestions pour plaire à ceux·celles qui préfèrent garder l’entrainement court et varier l’hiver.

L’entrainement en côtes
L’entrainement en côte est une bonne alternative pour travailler la puissance aérobie maximale (PAM) tout en faisant du renforcement musculaire. Également, ce type de travail permet de fournir un effort intense tout en restant à une vitesse contrôlée. En raison de la neige et de la glace au sol, il peut être difficile d’atteindre un même effort sur le plat en raison des risques de chutes.

Exemple d’entrainement en côte :
Échauffement (10-15min)
5 x 2 minutes en côte
Repos : retour en joggant au point de départ
Retour au calme (5-10min)

Courir plus souvent, moins longtemps
Bien que la majorité des coureur·euse·s de haut niveau intègrent une longue sortie par semaine dans leur programme d’entrainement, ces dernières ne sont pas nécessaires pour tous les types de coureur·euse·s. Ainsi, pour les coureur·euse·s sportif·ive·s, il peut être préférable de diviser son kilométrage sur plusieurs jours. À titre d’exemple, plutôt que de faire trois sorties de 10 kilomètres chacune, il serait possible de faire six sorties de 5 kilomètres chacune. Ceci a l’avantage de mieux répartir la charge d’entrainement pour éviter les blessures, en plus de rendre l’entrainement plus accessible puisqu’il est plus court.

L’entrainement croisé
Enfin, une autre possibilité lors de la phase de structuration est de faire de l’entrainement croisé, c’est-à-dire de faire un sport autre que la course à pied pour travailler ses capacités aérobies. Ainsi, plutôt que de toujours faire des sorties de course à pied, je vous propose de profiter des sports hivernaux tels que le ski de fond, la raquette, le patinage, le fatbike pour varier l’entrainement. Bien que ses activités soient moins spécifiques à la course à pied, elles permettent tout de même de travailler les capacités aérobies et offrent une belle alternative si vous trouvez difficile de faire plusieurs sorties de course à pied par semaine en hiver.

Pour des objectifs plus spécifiques, il n’y a rien de mieux qu’un programme personnalisé qui considère votre niveau et de vos objectifs. Retrouvez tous mes services d’entrainement ici.

Bonne préparation hivernale !

Combattre le blues d’hiver du coureur

Combattre le blues d’hiver du coureur

Les dernières semaines de l’hiver sont difficiles, le froid nous a frappés tout d’un coup, la pandémie s’étire sans fin, le soleil se pointe avec parcimonie. Ces temps-ci, c’est facile d’avoir le moral dans les talons. Pour les coureurs, l’antidote habituel contre la déprime, c’est la course, mais là, le remède est parfois dur à trouver.

En général, quand nous courons, on lasse ses lacets, on sort, et après quelques minutes tout va mieux., la vie est belle. Mais cette année, il me semble que c’est plus difficile que les autres années. Personnellement, Il y a comme un grand endormissement qui m’envahit de plus en plus chaque jour. Une seule idée m’habite, le désir d’hiberner jusqu’au printemps. J’ai l’impression de me transformer progressivement en un « coach patato » qui mange des croustilles en attendant impatiemment le moment fort de la journée, celui de se coucher !

Je tente de m’accrocher, au moins une fois par semaine, je lace mes lacets et je sors courir, mais que d’effort pour avoir ce sentiment de bien-être. Je regarde la météo 42 fois, en espérant toujours un adoucissement de températures, qui n’arrive pas. J’espère secrètement qu’un prétexte de dernière minute va arriver, n’importe quoi, des commissions à faire, des vidanges à sortir, mais aucune excuse solide se présente. J’hésite sur le choix du kit de linge de course, on en ajoute, on en enlève, on en rajoute, on enlève de nouveau, pour finalement tout remettre. On sort dehors, le corps tendu comme un fil d’enfer, le premier pas sont difficiles, les muscles résistent, mais finalement on trouve un semblant de rythme. Après quelques minutes, un sentiment de bien-être se pointe, avant que l’on se rende compte que nous sommes beaucoup trop habillés. Pour le reste de la sortie, on va devoir transpirer et suffoquer. Pourtant, malgré tout, l’endorphine fait à peu près son œuvre et l’on se sent, un peu mieux, ou un peu moins mal.

Mais il faut s’accrocher la journée vont s’adoucir et s’allonger. Le printemps va arriver et c’est la plus belle saison de course. La première sortie en short… quel sentiment de liberté. Puis l’été arrivé, tout devient facile. À l’automne, courir devient une seconde nature, marcher nous donne l’impression de fonctionner au ralenti. Puis l’hiver revient et on s’accroche à nouveau quelque semaine, en attendant le printemps. Bonne saison!

White Privilege

White Privilege

 

Je suis parti courir. Et je suis revenu. Je suis passé dans des parcs, sur des pistes cyclables, sur des trottoirs, dans plusieurs quartiers résidentiels. Personne ne m’a insulté, personne n’est parti après moi, personne ne m’a attaqué.

Personne ne m’a tué.

Ahmaud Arbery, lui, n’a pas eu la même chance. Le 23 février dernier 2020, il faisait du jogging dans un quartier « blanc » de Satilla Shores, en Géorgie, USA. Deux bozos, un tandem père et fils, l’ont pris pour un voleur. Ils ont fait ce que font deux bozos qui ont des fusils et le quotient intellectuel d’un dé à coudre. Ils ont tiré dessus. Ahmaud Arbery avait 25 ans. Est-ce que j’ai vraiment besoin d’ajouter que c’était un noir?

Moi, aujourd’hui, j’ai couru dans un quartier cossu. Il y a le chef-vedette Ricardo qui habite là. Je passe par-là pratiquement une fois sur deux. C’est sûr que Ricardo ne me partira pas après avec un gun. Avec un pied mélangeur, peut-être, mais encore.

En anglais, l’expression pour ça c’est « White Privilege ». Tout ce qui te semble parfaitement normal lorsque tu fais partie de la majorité blanche et qui ne l’est pas pour les autres.

Vous me direz que ce sont les États-Unis, le Sud, en plus. Oui, mais… on est capable de faire notre bout dans le domaine. N’importe quel noir d’ici vous racontera le nombre de fois où il s’est, sinon fait insulter, disons, achaler à cause de la couleur de sa peau. Ou juste se faire dire quelque chose de vraiment stupide.

Demandez à Raffi, le fils d’une amie. Un bon joueur de hockey alors imaginez le potentiel avec tous les parents champions dans les estrades. Demandez à Giselle, qui prend soin de Marie-Lyne et Ève dans les tournées des Grandes crues. Le nombre de fois où, parce qu’elle est noire, elle s’est fait demander tu viens d’où? Elle est née à Verdun!

Ça c’est juste le banal, l’anodin, le petit racisme ordinaire. Je vous fais grâce du reste, du profilage racial, de l’accès aux bonnes écoles, aux bonnes jobs, à la classe moyenne.

Depuis le meurtre de Georges Floyd, les rues des grandes villes américaines sont remplies de manifestants qui ne demandent qu’une chose, un traitement équitable. En 2020.

Ce pays-là est tellement capable du pire et du meilleur. Souvent en même temps. Hier en après-midi, les réseaux de nouvelles en continu présentaient simultanément deux images. Celle des manifestants et celle de la fusée Falcon 9, le premier départ d’astronautes depuis les États-Unis en près de dix ans.

Trump était au départ de la fusée. Je ne sais pas si quelqu’un de la Nasa avait pensé à lui proposer un billet aller. Un aller simple. Pas besoin de nous le retourner, ça va être correct, merci.

Note : cette chronique a été publiée originalement en mai 2020, sur le site. Depuis, trois hommes ont été reconnus coupables d’homicide sur la personne d’Ahmaud Armery et emprisonnés.

N.B. Toutes les chroniques Parti courir sont disponibles sur le site www.particourir.com