Combattre le blues d’hiver du coureur

Combattre le blues d’hiver du coureur

Les dernières semaines de l’hiver sont difficiles, le froid nous a frappés tout d’un coup, la pandémie s’étire sans fin, le soleil se pointe avec parcimonie. Ces temps-ci, c’est facile d’avoir le moral dans les talons. Pour les coureurs, l’antidote habituel contre la déprime, c’est la course, mais là, le remède est parfois dur à trouver.

En général, quand nous courons, on lasse ses lacets, on sort, et après quelques minutes tout va mieux., la vie est belle. Mais cette année, il me semble que c’est plus difficile que les autres années. Personnellement, Il y a comme un grand endormissement qui m’envahit de plus en plus chaque jour. Une seule idée m’habite, le désir d’hiberner jusqu’au printemps. J’ai l’impression de me transformer progressivement en un « coach patato » qui mange des croustilles en attendant impatiemment le moment fort de la journée, celui de se coucher !

Je tente de m’accrocher, au moins une fois par semaine, je lace mes lacets et je sors courir, mais que d’effort pour avoir ce sentiment de bien-être. Je regarde la météo 42 fois, en espérant toujours un adoucissement de températures, qui n’arrive pas. J’espère secrètement qu’un prétexte de dernière minute va arriver, n’importe quoi, des commissions à faire, des vidanges à sortir, mais aucune excuse solide se présente. J’hésite sur le choix du kit de linge de course, on en ajoute, on en enlève, on en rajoute, on enlève de nouveau, pour finalement tout remettre. On sort dehors, le corps tendu comme un fil d’enfer, le premier pas sont difficiles, les muscles résistent, mais finalement on trouve un semblant de rythme. Après quelques minutes, un sentiment de bien-être se pointe, avant que l’on se rende compte que nous sommes beaucoup trop habillés. Pour le reste de la sortie, on va devoir transpirer et suffoquer. Pourtant, malgré tout, l’endorphine fait à peu près son œuvre et l’on se sent, un peu mieux, ou un peu moins mal.

Mais il faut s’accrocher la journée vont s’adoucir et s’allonger. Le printemps va arriver et c’est la plus belle saison de course. La première sortie en short… quel sentiment de liberté. Puis l’été arrivé, tout devient facile. À l’automne, courir devient une seconde nature, marcher nous donne l’impression de fonctionner au ralenti. Puis l’hiver revient et on s’accroche à nouveau quelque semaine, en attendant le printemps. Bonne saison!

Est-ce que la course vous a rendu heureux cette année?

Est-ce que la course vous a rendu heureux cette année?

La saison de course s’achève, c’est le moment de faire les bilans de fin de saison et de jeter un regard sur ce que nous avons fait au cours des derniers mois. Il me semble que chez les coureurs, la tendance à voir le verre à moitié vide me semble bien présente. Une course difficile, un abandon, tout cela peut nous apparaître comme un immense bouton dans le milieu du front qui nous empêche devoir le reste. Et pourtant, pourquoi courons-nous? Pour battre un chrono? Pour devancer un adversaire? « L’enjeu de la course est-il de l’emporter sur les autres? N’est-ce pas plutôt de se vaincre soi?[1] » Pas certain que la meilleure façon d’aimer la course c’est en la faisant contre l’autre.

Il ne faut pas mesurer le tout en termes de performance, au contraire, compter les instants de bonheur me semble plus porteur.   Quand vient le temps de faire le bilan de la saison, la question qui me semble importante c’est : qu’elles ont été les moments pendant lesquels j’étais le plus heureux? Qu’est-ce que la course m’a fait vivre et qu’il m’aurait été impossible de connaître si j’étais demeuré sur mon divan à regarder la télé?

Il ne faut quand même pas avoir une vision trop idyllique, courir cela demande de l’effort, le bonheur n’est pas toujours instantané. Quand nous partons jogger dans le froid et dans le noir, ces petits instants heureux se laissent désirer, mais ils finissent par arriver…parfois! Les petits sursauts de bien-être peuvent durer quelques secondes, mais il me semble qu’ils en valent la peine en titi. Pour ma part, mon bilan de saison « moment de bonheur » c’est le suivant :

5) Se perdre avec un groupe lors d’une course en sentier, et se dire qu’un petit raccourci par la route serait bien agréable et que d’être disqualifié une fois dans sa vie, cela serait quand même une expérience différente

4) S’amuser comme un enfant à faire des sprints sur piste, et faire semblant d’être un grand sprinteur

3) Voir le soleil se lever en allant travailler à la couse, et se dire que l’on peut bien y ajouter quelques kilomètres de plus, la job va attendre un peu ce matin

2) Faire un entraînement de nuit en chantant des chansons grivoises, histoire d’éloigner les ours et de se rapprocher des amis

1) Tous les moments de partage avec les amis, les bières prises ensemble, les blagues échangées et les instants où nous ressentons la solidarité.

C’est mon bilan 2021, quel est le vôtre? Moi, j’ai eu une belle année de course.

[1] Leblanc, G. (2012) : Courir, méditation métaphysique, Flammarion; Paris, page 267

Pour un bilan « moment de bonheur »

Menteur

Menteur

Courir comme un fieffé menteur ou la psychologie à trente sous d’un coureur de mauvaise foi.
On dit qu’un mensonge répété mille fois devient une vérité, j’en suis loin d’en être certain, mais par contre, je suis convaincu que lors d’une course à pied, se raconter des petits mensonges, cela ne peut faire que du bien.

Le principe du menteur
Prenons l’exemple d’un marathon, cela peut être long et difficile, mais en troquant un peu la réalité, on y arrive bien plus facilement. Chaque coureur a sa philosophie de course, pour ma part, j’aime bien me mentir un peu à moi-même et, en faisant semblant de ne pas le savoir, un marathon peut paraître court, court, court.

Les vérités de La Palice
Il y a des conseils que les entraîneurs répètent ad nauseam et qui selon moi doivent être remise en question. L’une des vérités les plus pernicieuses, c’est celle qui affirme que partir lentement est nécessaire afin de se conserver de l’énergie pour la seconde partie de la course. Foutaise! Faites attention à ce conseil, car il ne tient pas compte d’éléments importants. Lors d’une vraie course, plusieurs facteurs vont vous faciliter la vie afin de vous permettre de bien performer dans la seconde partie du parcours. Un, vous avez ralenti le volume d’entraînement, vous avez donc beaucoup plus d’énergie. Deux, vous avez fait le plein d’adrénaline et l’énergie de la foule vas vous transporter. Donc, pour un marathon, l’objectif est simple, faire un beau demi, poursuivre sur notre rythme d’aller pour 3 ou 4 kilomètres et terminer le tout avec l’adrénaline et l’énergie de la foule et un peu de chance. Selon ce principe, votre marathon, devient un 21K, pas beaucoup plus.

Un petit demi
Naturellement, la logique que vous avez appliquée pour le marathon est aussi bonne pour votre nouveau demi. Première démarche, vous éliminer, le dernier kilomètre, on ne commencera pas à compter quelques centaines de mètres, cela n’en vaut vraiment pas la peine. Par la suite, le même raisonnement s’applique, vous divisez le 20K en 2, le but devient de faire un beau 10k + votre rythme d’aller + l’adrénaline + l’énergie de la foule= 21K, facile, facile.

De 10K à 100 mètres
Maintenant que vous vous concentrez sur le premier 10K, vous continuez toujours à appliquer la même règle et ce 10 kilomètres devient un 5K, tout d’un coup, oups, c’est fait. Toutefois, pour faire un beau 5K, il faut changer de façon de penser et se rappeler que ce n’est que 50 fois 100 mètres. 100 mètres ce n’est rien, l’autre jour, je l’ai vu à la télévision, faire 100 mètres cela prend moins de 10 secondes, c’est un pet ! Donc, faire 50 fois cette si petite distance, ce n’est rien, quelquefois 10 secondes.

42,2=100
Quand on regarde cela objectivement, un marathon ce n’est qu’un tout petit plus que 100 mètres. Donc l’idée, c’est de faire un beau 100 mètres et s’accrocher, s’accrocher, s’accrocher et encore s’accrocher. J’ai testé plusieurs fois cette philosophie de course, je me garde bien de vous en donner des résultats finaux, mais j’ai fait de foutus beaux 100 mètres, bien agréables. Pour le reste, disons que j’ai parfois appris à la dure, mais c’est devant l’adversité que nous grandissons, paraît-il, disons que j’ai pris quelques centimètres depuis que j’applique cette philosophie de course. (1)

Menteur - Richard Sevigny

(1) L’auteur ne prend aucune responsabilité en ce qui a trait aux mauvais résultats que l’application du principe du menteur pourrait entraîner sur vos performances.

Mon dernier ultramarathon

Mon dernier ultramarathon

Mon dernier ultramarathon ; le pas de trop.

La passion
La passion de la course est une chose bizarre. Pour ma part, comme plusieurs coureurs, j’aime à peu près tout de la course : j’aime regarder des courses, j’aime voir des vidéos de course, j’aime entendre parler de course, j’aime parler de course.
J’aime toutes les formes de course, la course sur route avec la poursuite d’un objectif précis, la course sur piste, qui est le sport dans sa version la plus pure, la course d’endurance, où la persévérance des coureurs est remarquable et la course de trail qui réunie l’aventure et de solidarité ; tant que c’est de la course, cela me passionne. En fait, quand tu peux passer des heures à regarder des gars qui  tournent en rond sur une piste, c’est un peu trop intense parfois, mais bon, la passion est difficilement contrôlable.
J’aime et j’admire les coureurs et mes préférés ce sont les coureurs d’ultra-trail, quand je vois ces coureurs sautiller entre les obstacles, presque comme s’ils pouvaient voler, je suis pantois devant ce qu’ils réalisent. Pour moi, les coureurs d’ultra-trail, représentent l’image parfaite de la liberté.

Mon dernier ultra
Avec ces images idylliques de coureurs, j’ai débuté les ultras depuis quelques années, avec plus ou moins de succès, disons que ce n’est pas ce qui est le plus naturel chez-moi. Mon dernier défi était un 80K, que d’aventures en perspectives.
Départ dans un décor idyllique avec un lever de soleil sur le fleuve. Les premiers kilomètres proposent une ascension monstre, mais cela semble aller. Pendant les premières heures, le tempo semble bon, je suis même en avance sur ce que j’avais planifié, ce qui est généralement un mauvais signe dans un ultra, mais bon, je m’imagine toujours qu’aujourd’hui, c’est la vraie bonne journée.

À la suite, d’un orage, les conditions deviennent plus difficiles, c’est glissant et de plus en plus technique et comme je suis agile comme un éléphant dans un magasin de porcelaine, cela se complique. Après un plongeon en double salto dans un ruisseau, je me relève rapidement en tentant de garder un minimum de dignité devant les autres coureurs. Tout devient plus difficile, c’est chaud et humide et comme je n’ai jamais eu le réflexe de m’hydrater et cela se corse, la tête me tourne, j’en arrache, mais je m’accroche. Au 60e kilomètre, je décide d’abandonner, pour me raviser par la suite, je vais m’accrocher.
Dans les derniers kilomètres, j’ai presque l’air d’un coureur normal, c’est ardu, mais c’est le cas pour tous, mais moi, je sais que cela ne va pas. Arriver au dernier ravito, il ne me reste que 10K, l’idée d’abandon est de plus en plus présente. Le premier répondant décide de prendre mes signes vitaux, son verdict est rapide, Il faut prendre la direction de l’hôpital et cela presse, je ne remercierai jamais assez ce gars-là.

Mon dernier ultramarathon

La dérape.
Les heures suivantes ont été compliquées, il y a une image qui me reste, c’est celle de moi qui fais le pont inversé sur une civière pendant de longues minutes en raison de crampes sont intenables. L’équipe complète de l’urgence qui tente de me maîtriser, dont l’urgentologue qui indique ce qu’il faut faire pour me ramener : soluté, potassium, magnésium, insuline, tout y passe, C’est dur, mais après quelles heures, ils y parviennent, je redeviens presque normal.

La ligne fine
J’aime la course, mais maintenant je sais qu’elle peut être très dure. La ligne entre tout donner dans une course et trop donner, cette ligne est très très mince, quelques pas c’est tout. Je ne connaissais pas cette ligne, maintenant je la crains. Je ne serais pas un coureur d’ultra qui sautille entre les obstacles avec aisance, mais bon, il y a plein de belles courses sur route qui reviennent, il devrait y avoir encore plein de bonheur à aller chercher de ce côté.

Mon dernier ultramarathon

DU « PACE BONHEUR » AU « PACE OLYMPIQUE », VIVE LA DIVERSITÉ DES COUREURS!

DU « PACE BONHEUR » AU « PACE OLYMPIQUE », VIVE LA DIVERSITÉ DES COUREURS!

Il y a plusieurs types de coureurs, de grandes coureuses vites, des petits moins vites, des moyennes persévérantes, de grands entêtés qui sont lents mais déterminés, des méticuleux perfectionnistes qui astiquent tout leur matériel, des inconséquentes qui rencontrent le mur à chaque course, des aventuriers qui se perdent dans le bois, nous pouvons dire que la panoplie de profils différents des amants de la course est infinie, et c’est tant mieux.

Il n’y a pas une façon de courir, il y a autant de façon de courir qu’il y a de coureurs. Nous avions tendance à voir la course comme étant un sport ayant un seul but, aller, vite, vite, vite, mais la course, s’est aussi une façon de vivre, une façon d‘être bien. Le véritable étalon de mesure d’une course cela ne peut être que notre niveau de satisfaction personnelle. En réaction au modèle unique valorisé, soit celui du coureur rapide, est né le beau mouvement du « pace bonheur », revendiquer le droit de courir au rythme qui nous rend heureux, quelle bonne idée. Cela dit, la course peut aussi être un art que l’on peaufine pendant des années et parfois, cela nous permet d’aller vite, et cela, aussi, c’est remarquable. Le mouvement parfait d’un coureur au « pace olympique » que c’est gracieux et que d’efforts que cela nécessite pour y arriver.

Il est difficile de bien mesurer ce que représente le fait de terminer une course pour chaque personne et le sentiment d’accomplissement a souvent peu de choses à voir avec le temps ou la vitesse. Pour ma part, mon 5 km le plus lent, c’est celui dont je suis le plus fier, je l’ai complété en aidant un jeune qui tentait pour la première fois de réussir une activité sportive. Il a persévéré en s’entraînant pendant des semaines, nous l’avons terminé, je pleurais comme un veau au fil d’arrivée, mais nous l’avons fait.

Comme dans plusieurs activités sportives, une forme de compétition malsaine, un jugement de l’autre peut facilement s’immiscer. Mais heureusement, la course à pied peut être tout le contraire, elle peut être une occasion d’être bien, de profiter de la vie, de partager et de se soutenir mutuellement. Dans cet esprit, en m’inspirant un peu maladroitement des principes d’un beau mouvement québécois, celui de favorisant la diversité corporelle (1) , je vous propose bien naïvement des principes et des attitudes que j’aime voir et qui me font aimer cette activité :


LES 7 PRINCIPES DUNE PETITE CHARTE DE LA COURSE À PIED

1) Promouvoir une diversité des modèles des coureurs. Peu importe ton rythme, si tu cours, tu fais partie d’un grand mouvement inclusif qui vise avant tout à être bien.

2) Encourager de saines habitudes de vie et de course. Recourir à des produits ou des astuces qui te donnent un avantage, ce n’est pas dans l’esprit de la course.

3) Dissuader les comportements compétitifs excessifs. Les autres coureurs ce ne sont pas des adversaires, mais des complices.

4) Refuser de souscrire à un modèle uniquement compétitif, la course, c’est quelque chose que l’on fait pour soi et non contre l’autre.
5) Garder une attitude vigilante et diligente envers les autres coureurs, être attentif aux autres pendant une course, c’est une belle marque de savoir-vivre, c’est une belle façon de vivre.

6) Agir à titre d’agents et d’agentes de changement afin que dans les événements de course un esprit d’entraide et de soutien émerge constamment.

7) Faire connaître le bonheur de courir.

Comme il semble bien que nous allions avoir une saison avec quelques événements, bonne course, la vie est trop courte pour ne pas en profiter, et surtout ayez du plaisir!


1-Charte québécoise pour une image corporelle saine et diversifiée