Fartlek

Fartlek

Courir, je fais cela depuis des lunes. Gamin, déjà, je décollais sur les chapeaux de roues, absorbé entièrement par une idée : m’épuiser. Car, bien avant d’affirmer « je cours », je pensais platement : « je m’entraîne ». J’allais vite, toujours, et longtemps. M’échappaient tout à fait les notions d’économie, de rythme, de cadence et, ironiquement, je bafouais les fondements mêmes de l’entraînement. La plupart des jours, mes sorties faciles étaient de trop longs tempos – la base, pensais-je, de la pyramide nommée tour à tour « Entraînement – Forme – Athlète – Souffrance – Olympiques » – tempos dans lesquels je jetais une fois sur deux (en vérité deux sur trois) le plus grand nombre d’intervalles. Je quittais la maison et confluais naturellement avec la rue à l’horrible nom, avenue Donegani, celle qui longeait le chemin de fer traversant d’un océan à l’autre cet immense pays inconnu. À l’est dominaient un immense parc et son petit boisé; à l’ouest, quelques côtes et l’éden vert du Club de golf Beaconsfield. À l’est, intervalles courts; à l’ouest, intervalles longs. Le hasard en décidait.

Ma Timex indiquant 52 minutes, je prolongeais de huit, car à l’heure seulement j’établissais le seuil aléatoire de toutes choses. Les braves qui s’en tenaient à leur mince demi-heure, à trois quarts d’heure, qui s’en félicitaient sous mes yeux étonnés, mon esprit accusateur les reléguait dans l’arrière-fosse de l’oubli. J’étais vraiment en forme, j’étais bien jeune.

J’étais jeune, mais j’empruntais déjà de singuliers chemins, détours aux accents adultes : à l’ami qui m’appelait un samedi matin pour « jouer » et faire ce qu’entreprennent tous les garçons désœuvrés de notre âge, j’opposais un refus, jouant mon sempiternel joker : « désolé, je dois m’entraîner ». D’autant que la fin de semaine signifiait longue sortie et, quels que soient le véhicule – course à pied, ski de fond, ski à roulettes, vélo – et la saison, je m’enfermais résolument dehors. (Je salue Jon qui aurait pu, les premières années, faire de même et claquer portes et fenêtres de notre amitié, édifice par mes fugues et errements longtemps négligé.) Mon terrain de jeu était ailleurs, dans le quadrillage de Pointe-Claire et des agglomérations avoisinantes, sur le bitume chaud, le long du fleuve Saint-Laurent qui dans son enflement s’appelait chez nous lac Saint-Louis. Mes compagnons, eux, s’appelaient Lance Armstrong, Bjørn Dæhlie, Steve Préfontaine, et Antoine, mon frère jumeau qui s’entraînait aussi, était des « nôtres », tricoté à peu près dans la même couenne.

À la piscine, au lac ou sur la plage, alors que je voyais les autres affublés de shorts trop amples, tombant aux malléoles, j’exhibais de menues cuisses – blanches et poilues en prime – ma culotte de course en polyester faisant office de maillot. L’hiver, dans les Laurentides, je jouais dans la neige et découvrais combien ma combinaison de ski de fond moulante prenait l’eau. Parfois, je courais en raquette, des hommes empaillés en jaune et noir passaient en skidoo : convergence inopinée de deux civilisations, choc culturel. Aujourd’hui encore, ces vieux réflexes me suivent et trahissent aisément, comme tant d’autres, mon acabit nomade. À Saint-Hippolyte où ma belle-famille a pignon sur lac de l’Achigan, la garde-robe du coureur étonne davantage qu’une peau de chevreuil. Même les pickups, tirant leur lourde embarcation de plaisance (à chacun ses plaisirs), me dévisagent.

En vieillissant, courir est devenu synonyme de mériter. Je cours le matin pour engloutir le copieux repas du soir, pour mieux en jouir. Je me délie les jambes à 17 h pour plonger âme première dans quelque bouteille à 19 h; mon Cogito, ergo sum devenu Curro itaque cum. Je cours, donc je jouis. Faut souffrir pour être beau, faut souffler pour être chaud. Mentalité judéo-chrétienne (souffrir et mériter), doublée de l’esprit baby-boomer (jouir par la panse), je le confesse, amen. Mais mon chemin de croix ces dernières années s’est montré fertile : un paquet de dix kilomètres, quelques demi-marathons, plusieurs duathlons. Tous m’ont fortifié le squelette et mené au marathon de Philadelphie en 2018, puis à Boston (un cauchemar, j’y reviendrai la prochaine fois) l’année suivante. La paternité carillonnant au printemps 2019, une enfant de quelques livres m’a enfin fait signe de ralentir. Mes Hoka ont mordu la poussière pour la première fois.
Puis, le plaisir est revenu, plus fort que jamais, depuis le premier confinement il y a un an déjà, quand le soleil de mars déballait d’innombrables routes – désertes – pleines de lumière. J’ai alors recommencé à m’entraîner; non, j’ai réappris à courir.

Le YOGA : une sagesse ancestrale sur le savoir être

Le YOGA : une sagesse ancestrale sur le savoir être

Bien plus qu’une pratique de flexibilité, de mobilité et d’étirements.

Étant une athlète qui aime l’intensité l’endurance et le cardio, j’ai longtemps pratiqué différents sports : tae-boxe, course, triathlon, vélo de route, etc. Comme la plupart des sportifs, je planifiais minutieusement mes entraînements mais les étirements … les quoi ? Euh, pas le temps d’en faire…. De plus, je trouvais ça ennuyeux à faire, jusqu’au jour où j’ai découvert le yoga ! Une pratique qui me permettait, entre autres, de m’étirer en plus de travailler sur ma flexibilité, ma mobilité et qui me procurait un bien-être global tellement nourrissant et apaisant.
Puis, j’ai appris que plusieurs sportifs de haut niveau, avaient trouvé dans ce type d’entraînement des bienfaits importants non seulement pour leur santé en générale, mais aussi dans leur discipline. Tim Thomas, gardien de buts professionnel de l’équipe de hockey des Bruins, a expliqué les effets positifs que le yoga a eu pour lui. Il a mentionné que cela lui avait permis d’équilibrer son corps en prenant conscience des parties qui étaient plus faibles, plus tendues ou rigides. Il a même affirmé qu’il avait amélioré sa flexibilité, sa force et sa proprioception, ce qui s’est traduit par une meilleure performance sur la patinoire.
Le yoga est une pratique vue par plusieurs comme étant entièrement physique. Pourtant, si je vous disais que c’est bien plus qu’une discipline de postures (asanas) et qu’il s’agit plutôt d’une façon de voir la vie, de vivre la vie, d’affronter la vie et surtout d’apprendre à vivre avec une plus grande conscience?

Quelques faits méconnus de la pratique de yoga ;
Il n’y a pas d’objectif précis de performance
Si on regarde Instagram, on constate que plusieurs adeptes sont extrêmement forts dans les équilibres sur les mains, ou qu’ils pourraient travailler pour le cirque du soleil grâce aux contorsions qu’ils nous montrent en photos. On oublie que l’exécution des postures devrait tenir compte de nos capacités et de nos limitations biomécaniques. Cette discipline nous enseigne à utiliser ce qui est disponible pour nous dans le moment présent et sans se comparer avec qui que ce soit. S’entraîner en lâchant prise sur le résultat, est sans doute un concept plutôt étrange pour la majorité des sportifs amateurs et encore plus pour les sportifs compétitifs. Apprendre à accepter où l’on est, pour travailler avec ce qui est là, permet d’acquérir une plus grande conscience au niveau physique et mental. Il en découle une plus grande acceptation, une plus grande ouverture, et une force mentale accrue, tout en favorisant une progression plus saine qui tient compte de l’état dans lequel on se trouve au moment où l’on choisit de pratiquer.

Le regard est tourné à l’intérieur de soi
L’approche en yoga emmène chaque personne à centrer son attention vers l’intérieur, permettant une découverte plus profonde du corps physique, mental et émotionnel. Trois aspects qui sont, de nos jours, vu comme indépendants et pourtant, ils sont tous interreliés. Les pensées influencent nos émotions et nos émotions influencent notre corps, alors pourquoi est-ce qu’on les sépare ? En utilisant les méthodes proposées en yoga on peut prendre conscience des mécanismes qui nous habitent. Éventuellement, on peut acquérir une plus grande maîtrise de nos réactions. Le yoga permet une connexion plus profonde avec notre être ce qui nous donne des outils pour nous ajuster et nous recentrer plus rapidement.

Le souffle outil principal de connexion
Lorsqu’on suit un cours de yoga, on entend souvent les instructeurs nous rappeler l’importance de respirer, d’inspirer et d’expirer. Mais qu’en est-il vraiment de la respiration ? Si on prend le soin de mettre autant d’emphase sur la respiration, c’est que la majorité des gens en sont complètement déconnectés. La respiration, est pour plusieurs une activité, normale et automatique. Si je vous demande de décrire votre respiration actuelle, quelle sera votre réponse ? Est-elle dite thoracique ? Est-ce que vous respirez seulement par le tiers supérieur de vos poumons ? Est-elle courte et rapide ou lente et profonde ? Qu’arrive-t-il à votre respiration lorsque vous êtes fatigué, pressé, stressé ou lorsque vous avez des pensées anxieuses? Quelles sont les messages que votre corps vous envoie ?

La respiration permet de travailler les postures avec une plus grande conscience du corps. Le rythme guide les mouvements, emmenant par conséquent, une meilleure harmonie entre la respiration, le corps et le mental. Lorsque l’emphase est mise sur les cycles de la respiration on peut reconnaître quand le corps n’est plus aligné et quand il faut se réajuster. Il en découle le développement d’une plus grande capacité respiratoire et une régulation des réactions physiques plus efficace.

Voici ce que je désire vous proposer à travers mes prochains articles et la pratique de yoga :
– Découvrir un pratique qui vous permet d’évoluer sur plusieurs plans
– Vous permettre d’augmenter vos performances, tout en utilisant une approche holistique
– Comment intégrer une pratique de yoga avec une perspective plus large tout en y retirant plusieurs bienfaits physiques, tel que :
Une meilleure proprioception, donc un meilleur équilibre
Une pratique globale qui permet de travailler sur des muscles plus profonds
Développer plus de flexibilité, ce qui permet une meilleure circulation, plus d’apports nutritifs pour les muscles, et donc une meilleure performance, une récupération plus rapide.
Travailler la mobilité globale afin de garder une circulation saine des liquides entourant les diverses articulations et les garder en santé à long terme.
La prévention des blessures en aidant le corps à éliminer les tensions qui s’y installent.

Dans mon prochain article, je vous expliquerai et vous proposerai une pratique de respiration simple et quelques asanas (postures) à pratiquer pour relâcher :
– Les muscles du dos et allonger la colonne de la base jusqu’au cervicales
– La fameuse bandelette ilio-tibiale
– Le psoas, les ischios et le quadriceps

Le tout sera accompagné d’un lien vers une capsule vidéo pour vous permettre de pratiquer un mini programme spécialement conçu pour les coureurs que vous êtes!

À la prochaine et bonne préparation à un début de saison extérieur à ceux qui comme moi, ne court pas durant l’hiver 😉 !

Pour toutes questions ou commentaires, écrivez-moi à l’adresse suivante : sandra@yogilab.ca

Sandra Arroyave, RYT- 200
Courriel : sandra@yogilab.ca
Instructeure de Yoga certifiée, vinyasa Prana flow depuis 2018
Créatrice de bien-être et amplificatrice de potentiel humain pour Yogilab Inc.

Coureuse de 5, 10 et 21.5 km depuis 2014
Triathlonienne depuis 2017
Participante à la boucle de 135 km du défi Pierre Lavoie en 2014-2015-2016

Comment utiliser l’approche sandwich pour faire progresser un coureur de façon constructive

Comment utiliser l’approche sandwich pour faire progresser un coureur de façon constructive

Runwise

Les coureurs ont un désir de progression tout à faire hors-norme. Le revers de la médaille, c’est qu’ils sont parfois trop motivés au point de commettre des erreurs menant à la blessure ou au surentrainement. Une étude que nous avons récemment menée sur plus de 700 coureurs a montré que près de 80% d’entre eux s’étaient blessé au moins une fois l’année précédente.

Pour éviter la blessure ou le surentrainement, l’entourage de l’athlète (notamment l’entraineur) doit savoir diagnostiquer les erreurs les plus pénalisantes. Mais peut-être encore plus important, il doit être capable de communiquer son message avec finesse.

Là où j’aimerais attirer votre attention, c’est qu’en tant qu’entraineur, nous faisons souvent l’erreur de transmettre directement notre solution à l’athlète en pensant qu’elle viendra naturellement résoudre son problème. Nous sous-estimons l’importance de la psychologie humaine qui consiste à trouver les bons mots. L’essentiel n’est pas la solution, mais plutôt de s’assurer que votre message a été réellement entendu et compris par l’athlète.

La technique du sandwich que je vais vous présenter permet de faire une remarque de façon à ce que l’athlète y soit réceptif sans sacrifier la relation ou effriter sa confiance.

L’approche traditionnelle
Elle se concentre surtout sur le diagnostic. Prenons l’exemple d’un coureur qui ferait ses intervalles trop vite :
« Paul, tu étais censé courir ce 1500m à 3:45/km, tu es passé 15 secondes trop vite, tu dois ralentir ».
Le problème d’une approche aussi directe, c’est que d’une part, il est peu probable que l’athlète se sente proche de son entraineur, le message a donc peu de chance d’être intégré durablement. D’autre part l’athlète ne comprend pas pourquoi son comportement est problématique, il manque une explication.

L’approche sandwich
L’idée, c’est de mettre l’athlète dans un état d’esprit optimal afin que ce dernier soit pleinement réceptif au message.
Concrètement :
1. Commencer par une rétroaction positive :
« Tu avais l’air de te faire vraiment plaisir sur cette répétition. »
2. Poursuivez avec la rétroaction constructive :
« Seulement, je suis embêté, car tu es 15 secondes plus rapide que l’allure prévue. »
3. L’explication (capitale, mais souvent oubliée)
« L’objectif de cette séance est de travailler l’allure 10k et non l’allure 5k. En courant plus vite que l’allure recommandée, les adaptations ne seront pas celles que l’on cherche, tu comprends ? »
4. Finir par une rétroaction positive : « Mais ne t’inquiète pas, on va essayer de nouveau, je sais que tu es capable de courir à l’allure prévue. ».
Maxime Lopes - L'approche sandwich

Trois avantages
1. L’athlète est plus enclin à écouter une rétroaction « négative » quand elle est précédée et suivie d’un encouragement bienveillant.
2. De cette façon, l’athlète se sent en confiance et vous écoutera. Il sera alors bien plus à l’aise de remettre en question et de ne pas reproduire l’erreur.
3. En posant une question à l’athlète, vous l’engagez dans le processus. Cela renforce l’idée que vos actions sont au service de l’athlète et non l’inverse.

Cinq éléments pour garnir votre sandwich
1. Expliquez pourquoi le comportement est problématique. Développez les conséquences négatives si l’athlète ne prend pas en compte votre remarque. Ex. : Si tu cours plus vite que l’allure prévue … alors les adaptations ne seront pas celles que l’on cherche.
2. Adoptez un ton ferme, mais bienveillant dénué d’agressivité ou de colère.
3. Posez une question pour comprendre la raison qui pousse l’athlète à commettre une erreur, notamment si cette erreur se répète encore et encore.
4. Demandez à l’athlète s’il est prêt à essayer une autre façon de faire ou de penser. Le consentement est un outil puissant pour promouvoir le changement.
5. Ne pas prendre l’erreur de l’athlète personnellement. Cela peut paraitre évident, mais il arrive parfois qu’en tant qu’entraineur, une erreur répétée chez un athlète nous irrite. Mais comprenez bien que si l’athlète continue de faire une erreur, c’est qu’il n’a pas vraiment compris d’où elle vient, et l’étendue de ses conséquences.

Un exemple de mon expérience
En tant qu’entraineur et chercheur, je sais que le sommeil est l’une des habitudes les plus payantes, mais aussi les plus difficiles à inculquer aux athlètes. En moyenne les étudiants athlètes dorment moins de 7h par nuit, ce qui a des conséquences extrêmement délétères.

Avec une approche sandwich et du dialogue, j’ai pu observer de bien meilleurs résultats pour aider les athlètes à (1) changer leurs croyances sur le sommeil (2) créer de nouvelles habitudes plus optimales.

Exemple :
– Paul : Je ne dors que 6h par nuit en ce moment.
– Maxime : Oh je vois, j’imagine que tu dois avoir beaucoup de travail, et que tu dois être stressé, est-ce la raison pour laquelle tu ne parviens pas à dormir davantage ?
– Paul : Exactement, je me sens stressé, j’ai de la misère à m’endormir, de plus je n’ai pas l’impression que le sommeil est si important non plus.
– Maxime : Bien Paul, est-ce que tu veux que je t’explique à quoi sert le sommeil chez un athlète de ton niveau ? Ensuite on pourra essayer de trouver des solutions pour améliorer cela, ok ?

Remarque finale
Les entraineurs sont souvent excellents pour faire le diagnostic de la situation. Toutefois, trouver une façon habile pour faire une remarque c’est un peu le niveau 3 du coach.

Niveau 1 : Le coach parvient à faire le diagnostic et le communiquer de façon directe (exemple : tu ne dors pas assez, tu cours trop vite, etc.)
Niveau 2 : Le coach explique le problème avec finesse, mais n’explique pas pourquoi c’est un problème.
Niveau 3 : L’entraineur explique et entoure sa remarque par des remarques bienveillantes envers l’athlète.

Les critiques ou commentaires constructifs sont importants, car ils visent l’amélioration et encouragent la correction de lacunes. Ce ne sont pas les commentaires en tant que tels qui comptent, mais la façon dont ils sont formulés. Formuler des commentaires avec subtilité adoucit la critique. Cette méthode renforce l’amélioration du comportement, ce qui garantit de meilleurs résultats pour l’athlète.
Essayez d’appliquer la méthode sandwich dans votre quotidien. Je suis convaincue que vous serez surpris des résultats.

Courir Montréal à Gatineau par les chemins de travers

Courir Montréal à Gatineau par les chemins de travers

La pandémie et le confinement ont obligé les coureurs à faire preuve de beaucoup d’imagination, les courses s’annulaient les unes après les autres, les entraînements de groupe étaient interdits, nous étions tous à la recherche de défis et de motivation. Face à ce vide abyssal dans notre calendrier de coureur à l’été 2020, une idée un peu saugrenue est apparue, celle de relier Montréal à Gatineau à la course. Heureusement, que j’ai un « buddy » de course qui est prêt à embarquer dans ce genre d’idée un peu étrange, car seul, cela aurait été difficilement réalisable.

Jour 1 : La découverte de la banlieue
Au lever du jour, nous sommes à la gare d’Ottawa, prêt à embarquer dans le train de six heures, masqué et en habit de course. Trajet tranquille, distanciation sociale oblige, les autres passagers se tenaient loin, peut-être aussi qu’ils nous trouvaient un peu étranges avec notre accoutrement. Rendus à Montréal, nous remontons la « Main » jusqu’à Laval et nous y passons tout à fait inaperçus, vive l’acceptation des différences. Avec mon partenaire, nous sommes sur l’adrénaline des premiers kilomètres, nous tenons un rythme rapide, la motivation est au plafond. Puis arrive Laval, de kilomètres et des kilomètres de bungalows. Les jambes commencent à me faire souffrir, j’ai de la difficulté à m’accrocher, je commence sérieusement à douter du réalisme du projet. Heureusement, nous arrivons au parc d’Oka, notre soutien technique vient nous rejoindre avec le sourire, je retrouve un peu, juste un peu, de motivation. 57k plus tard, nous arrivons à notre gite à OKA, je passe la majorité de la soirée à maudire le projet, pendant que mon partenaire et sa blonde boivent une bière et profitent de la piscine.

Jour 2 : À la recherche de la piste
Richard SevignyAu lever du jour 2, cela va mieux, une petite pluie fine tombe, mais je suis presque en forme. Nous débutons en marchant jusqu’au traversier, puis nous empruntons des petites routes de banlieues cossus. Le rythme est bon, cela va bien. Le parcours indique que nous devons pendre une piste multifonctionnelle à Rigaud. Nous cherchons, cherchons et cherchons, pour finalement trouver une petite pancarte qui indique que la piste n’est plus entretenue et qu’il nous faut se rendre en Ontario pour la trouver. Comme nous sommes un peu têtus, nous décidons de nous y aventure quand même, après quelques centaines de mètres, nous décidons de rebrousser chemin, car nous avons l’impression de nous enliser dans des sables mouvants. Comme promis, la piste débute en Ontario, une ancienne emprise de chemin de fer converti en piste multifonctionnelle. Une belle surface molle, un beau paysage, le bonheur jusqu’à Vankleek-Hill. Un petit 50K facile, un accueil sympa, des « Crew » et de la bière de microbrasserie, le bonheur total.

Jour 3 : Du maïs au blé-d’Inde.
Je suis un peu surpris au lever, les jambes tiennent le coup. Après une couple de kilomètres sur une route achalandée nous retrouvons notre piste qui se faufile dans les champs de blé d’inde. Émerveillé par le paysage au début, un peu moins émerveillé six heures plus tard, quand nous comme toujours dans des champs de maïs. Heureusement, il y a une motivation supplémentaire, nos deux blondes doivent nous rejoindre et nous anticipons la totale, car nous avons réservé dans un Spas ce soir, histoire de nous réconforter un peu. Comme nous sommes un peu trop rapides et que nous enfilons nos 50k en six heures, nous arrivons au SPA un peu tôt, mais aucune trace de vie à l’horizon. Après une heure d’attente, on nous ouvre la porte, ledit Spa devait être fantastique dans les années 1960, mais depuis ce temps rien n’a changé. Nous réussissons à survivre jusqu’au lendemain, le confort était limite, vive la simplicité volontaire.

Jour 4 : On rentre à la maison.
Les jambes commencent à être lourdes. Le chemine n’est pas trop difficile, on suit la piste dans le milieu des champs de maïs jusqu’à Ottawa. Cela fait des dizaines d’heures que je cours avec mon complice et, et nous continuons à être complices, il faut le faire. Même rythme, même intérêts, même vision de la vie, il faut quand même le faire. La piste est peu achalandée et à chaque personne que nous croisons, nous avons l’impression et l’espoir que c’est quelqu’un qui vient nous rejoindre, mais ce n’est qu’une impression, un mirage en fait. Finalement, un ami vient nous raccrocher, quelques détours entre les champs et les centres d’achats, nous franchissons Ottawa et à Gatineau. Un accueil inoubliable d’une bande d’amis, la complicité a fait la job, nous nous sommes rendus.

Petit bilan de parcours
Richard SevignyMontréal-Gatineau, c’est fait pour les coureurs, c’est 200k tranquilles et plus de 80k de sentier en terre battue, plat et beau, faut vraiment aimer le maïs, mais bon. La logistique est assez facile .mais, cela aurait été impossible sans le soutien technique de nos blondes qui ont réglé tous les problèmes (bagages, bouffe, etc.) et merci pour les encouragements. Il y a seulement la complicité entre deux coureurs un peu fous peut permettre ce genre d’aventure. En attendant de créer le classique annuel Montréal-Gatineau, nous prévoyons le refaire à nouveau cette année dans le sens contraire, histoire de voir le de maïs sous un autre angle, histoire de voir la vie d’un peu plus près!

Courses Folles | Épisode 1 – Le pacte

Courses Folles | Épisode 1 – Le pacte

Andréanne Poisson Robert

Je passe les portes de l’université et tombe des nues en voyant la longue file de spectateurs zigzaguant devant la salle Judith Jasmin. L’affiche colorée de la Tournée mondiale du Festival du film de montagne de Banff détonne du gris ambiant des longs corridors.

−Hey Joanie, par ici!

Je reconnais aussitôt mes trois comparses de course. Ils me sourient à pleines dents. Nico domine les autres par sa grande taille élancée, Marie me fait d’énormes signes de la main, accrochant au passage le chapeau du monsieur derrière elle, tandis que Joël se balance d’une jambe à l’autre incapable de rester en place.

−Je n’ai jamais vu autant d’amateurs de plein air au mètre carré, je lance en balayant la salle du regard.

Ils sont facilement reconnaissables avec leur manteau Arc’teryx aux couleurs vives, des bottes Merrell aux pieds et un mélange de noix du randonneur à la main. Ça me fait penser, je dois bien avoir une barre Cliff dans mon sac à dos…

−Je ne peux pas croire que tu n’étais jamais venue. Tu vas voir, il y a une vie avant le festival et une vie après le festival!

Marie, l’éternelle optimiste, a toujours une anecdote amusante à raconter, même en courant. Tellement qu’elle a fini la Color Run la langue multicolore, ce qui nous a fait rire pendant des jours.

Les lumières s’éteignent et dès les premières images de la bande-annonce, je sens mon poil de bras se hérisser. Je suis hypnotisée par les images à couper le souffle, les athlètes au sommet de leur art et la musique parfaitement rythmée. Skieurs, grimpeurs, cyclistes, coureurs, surfeurs, tous les amoureux de plein air se surpassent et m’envoient une dose d’adrénaline rarement ressentie au cinéma.

Deux heures plus tard, j’ai à peine eu le temps de reprendre mon souffle que les rideaux en velours rouges se referment. Les spectateurs, la tête pleine de projets, se dirigent vers la sortie. J’enfonce ma tuque sur ma tête et repense aux paroles de Marie. Effectivement, il y a une vie avant et une après le festival.

Une petite neige tombe sur la rue St-Denis et on décide de prolonger la soirée au Saint-Houblon. Notre table près de la vitre nous permet d’observer la faune montréalaise du samedi soir.

−Mon court-métrage préféré c’est celui de l’homme de 97 ans qui court le mont Washington année après année, en souvenir de sa femme décédée.* Dire qu’à 30 ans, je trouve mon corps lent à récupérer. C’est un méchant phénomène, s’exclame Nico après une gorgée de bière.

−On sait bien, tu ne peux pas courir sans tes bas de compression ni ta crème analgésique. Ça va être beau à cet âge-là, se moque Marie.

− N’empêche, ça nous met une pression énorme des gens comme ça. En plus d’être un athlète à plus de 90 balais, faut aussi être romantique, soupire faussement Joël.

Après une soirée aussi intense, je me sens gonflée à bloc et prête à courir un ultra marathon.

Comme s’il avait lu dans mes pensées, Nico dit :

− On devrait se trouver un défi à relever.

Chacun acquiesce. Je tourne machinalement les pages du programme du festival à la recherche d’inspiration, lorsqu’ une bourrasque glaciale fait soudainement virevolter nos serviettes de table. Deux touristes viennent d’entrer dans le bar et s’empressent de refermer la porte. Ils ont l’air de deux Quasimodos avec leur gros sac à dos recouverts de neige. Je souris en remarquant qu’ils sont tous deux en running en plein hiver.

− Ça y est je l’ai! On se donne un an pour compléter une course sur chaque continent, je m’écrie.

Les autres me dévisagent. Puis je reconnais dans leurs yeux l’étincelle d’excitation qui précède un défi à surmonter.

−Et puis, pas n’importe qu’elle course, elle doit être originale! précise Nico.

−Comme quoi? J’ai mal au cœur juste à repenser à la Choco course.

−Il y a la course de Un kilomètre en talon haut. Je te verrais bien en escarpin Joël! je rigole.

−Ou celle des serveurs à Paris… Ça va être beau, Joanie n’est même pas capable d’apporter un verre d’eau sans qu’on ne sorte nos parapluies.

Toujours enivrée par les courts-métrages et par l’alcool, je dis d’un ton solennel :

−À notre année de courses folles!

On lève nos peintes de bières et scellons notre pacte en buvant une longue gorgée. Que l’aventure commence!

*For the Love of Mary – 2018