La Gaspésia 100 (2021)

La Gaspésia 100 (2021)

les defis de beat

Wow ! Le retour de La Gaspésia 100 … Je l’attendais avec impatience… Ce jour « J » est arrivé. L’occasion pour les coureurs privilégiés de 2020, de se retrouver et revivre une nouvelle aventure sur ces lieux magiques.

Toute l’année, cet évènement vécu en 2020 m’a tenu en haleine. Il était inconcevable que je ne sois pas au rendez-vous en 2021. Cette course résonne dans ma tête, La Gaspésia 100.
Accompagnées de mes amis, Nathalie Landry, Line Pelletier, Nathalie Roy, Judith Chapados, Cindy Miller et Christian Vallée, nous nous sommes retrouvées au départ du G50. Cherchez-nous pas, on en a pour la journée…

Une distance de 54 km dans un décor très diversifié nous attend avec un dénivelé de 1400 mètres. Vous savez entre la théorie et la pratique, on peut parfois avoir des surprises. Eh bien La Gaspésia 100 (2021) nous a fait ce cadeau. La distance et le dénivelé ont été revus à la hausse pour le même prix.

Sans oublier notre amie Christiane Plamandon qui trottera sur le 25km.

Gaspésie 100 (2021)

Le départ

Gaspésie 100 (2021)

Qu’est-ce que je suis contente de me retrouver à cet endroit précisément. Rien à changer comme dans ma mémoire… Même Jean-François Tapp n’a pas bougé. Toujours à la même place avec son humour, blagueur, rieur, c’est le petit comique de la place des Pêcheurs.

Le bateau de pêche servant de podium, présent aussi, tout est là…
Contre toute attente, le palpitant s’accélère au fur et à mesure que je m’approche du bateau. Le sourire aux lèvres, je ressens la même excitation qu’il y a un an.
Je reconnais les visages, Sébastien, Daniel avec lesquels j’ai pu discuter avant le départ. Puis Jean-François détaille le parcours, donne quelques règles et laisse la parole pour le pointage des athlètes.

Après le décompte nous nous lançons direction la mer pour parcourir nos premiers kilomètres.

Une joie intense immergeait tout mon être, j’étais de nouveau la petite fille qui crapahute de roche en roche pour aller de l’avant.

Le premier ravitaillement

Très difficile de dépasser quelqu’un en trail mais sur les rochers c’est pire. À moins que ce dernier nous laisse la place.

La personne devant moi avait un peu de misère avec les rochers, cela n’a pas été long pour que les premiers nous distancent.

Une fois sortie des roches puis des galets, la vieille voie de chemin de fer nous attendait. Je me sentais dans un film en courant sur cette voie ferrée, comme si je voulais m’évader. Suis-je la seule à avoir eu ce sentiment ?

Le balisage est bien indiqué et heureusement, car jamais il ne me serait venu à l’idée de grimper le talus du viaduc.

Un petit bout de la 132 pour rejoindre les sentiers, et le tour est joué nous voilà dans les sentiers et la boue pour un bon bout de temps….

Le premier ravitaillement est déjà là… Wow, c’est cool, 8km de fait, je ne les ai pas vu passer. Difficile de dire combien de temps cela m’a pris, je n’ai jamais regardé ma montre.

Gaspésie 100 (2021)

2ème ravitaillement

Judith et Line sont devant moi tandis que les 2 Nathalie, Cindy et Christian sont derrière. Je veux les attendre avant de repartir.

Me voyant attendre, les bénévoles au ravitaillement me demandent si je veux autre chose. Je leur explique que j’attends mes amis. Ils sont désolés de ne pas avoir de chaises à m’offrir.

En restant immobile, le froid arrive vite et les moustiques attaquent. Je me bats avec eux quand approchent Nathalie R et Christian. Oufff, je suis contente de les voir… Juste le temps pour eux de prendre quelques affaires…

On reprend la route tous les trois. On traverse la rivière aux émeraudes, quel beau spot, c’est féérique. J’en profite pour prendre une photo, un si bel endroit, on ne peut pas passer à côté.
Puis, je reprends mes sentiers de boue à n’en plus finir. Le 18ème km arrive encore à une vitesse grand V.

C’est génial, ça va bien malgré la difficulté du sol. Je suis admirative de revoir ces paysages défilés comme dans mon souvenir.

J’attends de nouveau mes amis. Nathalie arrive, mais j’en peux plus. Le froid me transit. Christian apparaît au fond, péniblement. Je dois repartir, j’ai trop froid.

3ème ravitaillement

L’avantage quand tu as pris froid en attendant, tu repars reposer et tu as le goût de courir pour te réchauffer.

Je trace ma route seule. Je me félicite d’avoir téléchargé le parcours sur ma montre. Cela me rassure de contrôler et confirmer fréquemment que je suis sur le bon sentier. Vive la technologie et les cartes GPX.

Je croise de temps à autre les coureurs du 100km, car ils font 2 fois la même boucle en sens inverse. Je les encourage et les félicite, je suis tellement heureuse d’être capable de vivre ça.

Je peux saluer mes amis Pascal Langlois, Catherine Bujold, Yves Aubut ainsi que Karine Litalien. Croiser ces athlètes me donne un élan, une fierté, une admiration et surtout le goût de courir encore plus.

Gaspésie 100 (2021)

Saviez-vous que Pascal, Catherine et Karine ont été mes maîtres de la trail. Ils m’ont donné confiance et assurance pour affronter la peur de me retrouver seule la nuit dans le bois. Ils m’ont aussi fait savoir que j’avais la capacité et le potentiel pour courir en trail.

Du fond du cœur, merci, vous êtes mes références.

J’arrive au 30ème km avec la même énergie qu’au départ. Je suis bien, j’aime ma course. Mes pieds souillés reçoivent une exfoliation à chaque pas tellement j’ai de la boue dans mes chaussures.

4ème ravitaillement

Un sac de rechange avec collations, vêtements et chaussures m’attendait pour faire les ajustements que je souhaitais pour poursuivre.

Heureusement que j’ai vu mon ami Daniel Jacques changer ses chaussettes et chaussures sinon je n’y pensais plus que j’avais ça là…

J’ai donc profité de ce moment de pause à attendre mes amis pour mettre mes pieds au sec. Bien placé au soleil, je n’avais pas froid. De plus un petit muret nous permettait d’être assis, tranquilles, on était bien. Tout était fait pour qu’on ne reparte plus… Non, non pas du tout les organisateurs ne feraient pas ça ?

Assise depuis quelques minutes, arrive Cédric Chavanne qui parcours le 160 km. Wow super, je ne m’attendais pas à le voir.

J’échange un peu avec lui, mais il ne faut pas que je le retarde, c’est le numéro 1 sur cette distance. Il a encore un bon bout de chemin à faire. Oh là là, je ne voudrais pas nuire à son avancement.

J’ai eu la chance de courir 3 étapes l’année passée avec lui et sa merveilleuse femme Julie Berthiaume.

C’est grâce à lui que je serai sur le départ du Big Wolf Backyard le 18 juillet 2021. Ces défis me fascinent. Alors évidemment, je veux m’y frotter, vivre ces sensations fortes pour avoir mes propres expériences, même si on est pas du tout du même niveau, on a la même passion.

Le dépassement de soi est une sensation extra, les papillons, la fierté, tout y est, je souhaite que tout le monde connaisse cet immense nuage de bonheur à l’intérieur et extérieur de nous-mêmes.

J’ai atteint le 38ème km ou se tenait le 4ème ravitaillement, avec tous ces sentiments de fierté grâce aux belles rencontres que j’avais faits.

Toujours aussi bien dans ma course et bien dans mon corps, je n’avais toujours pas l’impression d’avoir couru.

Gaspésia 100 (2021)

Le 5ème ravitaillement

J’ai cessé d’attendre mes amis qui prenaient de plus en plus de retard au 4ème ravitaillement.

La partie effort en dénivelé approchait après celui de la boue. Je dépassais les premiers coureurs fatigués, mais pas tant que ça, contrairement à ce que j’aurais pensé.

La visibilité réduisait, le brouillard s’installait peu à peu, je n’avais aucune notion du temps. J’avance au petit pas de course ou à la marche si c’est une cote. Je sais que le plus dur est à venir alors je veux garder mon énergie.

Je n’ai jamais ressenti de douleurs dans les mollets, les cuisses ou le dos, épaules ou autres… Je me demande si finalement ma fille n’a pas raison. Suis-je encore humaine ???

La partie difficile approche, je me sens prête à l’affronter pour atteindre le mont St-Anne avec son dénivelé rude voir très rude.

Je fais un ravitaillement très bref au 45ème kilomètre, car je sais qu’il y en a un autre au sommet dans très peu de temps.

J’apprends que ça fait plus de 8h que je cours ! Oh dommage, je réalise que j’ai pris trop de bon temps. Mince, mince, mince je peux encore rentrer dans le cut off mais pfff ai-je le goût de m’inquiéter du chrono maintenant ??? Il est peut-être un peu trop tard…

Ma mère avait une expression qui dit : « c’est pas quand on a fait dans la culotte qu’il faut serrer des fesses » et bien en apprenant l’heure, je me sentais dans cette situation, il est trop tard pour y penser, maintenant il faut assumer.

Gaspésia 100 (2021)

Je décide donc de continuer avec l’insouciance du chrono et je continue dans le bien-être de ma course.

La surprise de la Gaspésia 100 (2021)

Maintenant que je connaissais l’heure, j’avais comme un peu de mal à rester dans le même rythme, pourtant je me moquais du chrono, alors pourquoi ce sentiment ?

Tout simplement, je n’avais pas le goût de finir à la frontale. Non, je savais que je devais finir par les descentes, alors s’il fait trop noir, je ne pourrais pas courir aussi vite. Les descentes sont mes forces.

Au sommet du Mont-Ste-Anne, je n’ai jamais trouvé le 6ème ravitaillement. Comme il faisait froid avec beaucoup de vent et de brume, j’ai pensé que les bénévoles s’étaient abrités. Je vérifiais plusieurs fois ma montre pour être certaine que le tracé soit le bon.

Je reconnaissais parfaitement les lieux donc je ne comprenais pas… Pourquoi ils ne sont pas là ? Déception, crève-cœur, je n’ai pas réussi à pointer mon dernier point de passage, tout en reprenant le sentier pour redescendre. J’ai pensé appeler Jean-François, pour savoir ou exactement se trouvait ce ravito, mais je ne voulais pas remonter, alors j’ai laissé tomber.

J’étais tellement déçue de constater mon incompétence en matière d’orientation…

Tout portait à croire que j’avais fait une erreur de parcours, j’avais passé 54 km et toujours pas arrivé… Un dénivelé supérieur à ce qui était prévu…

Voir l’arche avant que je sorte ma lampe frontale m’a fait oublier cette déception envers moi-même.

L’accueil par mes amies Line et Judith m’a redonné le sourire et l’énergie que j’avais perdue en ruminant les derniers kilomètres.

Gaspésia 100 (2021)

En discutant avec tout le monde, la confiance en moi est revenue quand j’ai appris qu’on avait tous presque 57km avec un dénivelé supérieur à 1700 mètres quant au dernier ravitaillement, il avait plié bagage avant la nuit.

Ce fut un soulagement d’apprendre que j’avais su suivre l’itinéraire prévu et que j’avais fait ça en 10h20. Je ne suis pas rentrée dans le cut off, mais j’aurais largement pu. J’ai eu une excellente course, je suis fière de mon accomplissement et je regorge d’espoir pour mes prochaines courses.

Merci à toute l’équipe organisateur, bénévoles, supporters de la Gaspésia 100 (2021) vous faites partie de l’équation dans la réussite de tous ces athlètes, merci d’être là.

Félicitations

Finir les distances que l’on choisit est un pas en avant pour continuer quel que soit le temps. Félicitations à tous les participants de la Gaspésia 100 (2021) que vous ayez complétée ou pas votre distance, vous avez avancé, vous avez essayé, c’est comme cela que l’on progresse avec des essais.

Quant à toi, Cédric Chavanne, le champion du 160 km en 24h, je t’admire, tu es une grande source d’inspiration, tu m’as fait pleurer à ton arrivée… FÉLICITATIONS, c’est formidable de te voir aller

Félicitations à tous ces athlètes qui ont pu rentrer dans leur cut off respectif, bravo, bravo, bravo.

On se retrouve l’année prochaine sur la distance du 100km en 3 jours
– 13 km le vendredi
– 54 km le samedi
– 35 km le dimanche

Gaspésie 100 (2021)

Gaspésie 100 (2021)

FLD

FLD

Bien que la course me colle aux semelles depuis fort plus loin, je ne suis devenu coureur – véritablement – qu’en 2017. L’année du sauvetage, alors que mon avenir s’embrouillait, menaçait de s’écrouler, après avoir pris soudain mes cliques et mes claques et fui la profession ostéopathique en janvier. Pour seul flotteur, les championnats du monde de duathlon sept mois plus tard, à Penticton en Colombie-Britannique.

Championnats du monde, catégorie amateur j’entends, pour lesquels je m’étais qualifié l’été précédent dans ma cour – j’habitais Griffintown sur la rue Notre-Dame qui regardait au-delà du Saint-Laurent son île éponyme – au bord de l’évanouissement sous l’humidité écrasant le circuit Gilles-Villeneuve et les pourtours du bassin olympique. Qualification aisée, sans prestige, acquise d’avance (les quatre premiers hommes dans ma catégorie d’âge passaient; cinq au total s’y trouvaient). Ma qualification, un grand mot, coquille vide en fin de compte, plate omelette, pour laquelle j’ai néanmoins battu le plus grand jaune cette journée-là. Puis vidé le poulailler les mois suivants, la tête perdue dans le sable de ma vie, à déplumer le présent par l’entraînement.

Le duathlon (courir, rouler, courir) n’est pas le triathlon. Discipline obscure, rangée dans le palmarès populaire de l’endurance en bas de liste, quelque part entre le biathlon et le skiff en aviron. Et pourtant… L’entremêlement de course et de cyclisme supplante sans contredit la suite nage-vélo-course en matière de douleur. Le corps et l’esprit bien vite se trouvent noyés dans le rouge, ramollis par le doublon : courir une seconde fois fait mal. Les triathlons se gagnent à la toute fin; les duathlons se perdent dès le début.

Penticton. Championnats du monde de duathlon. Catégorie amateur s’entend. La fleur d’érable tissée dans le dos, mon nom tatoué sur les fesses, il est curieux de revêtir l’habit de la patrie, moi si peu canadien au fond. La souffrance s’achève, j’atteins le fil d’arrivée et m’effondre en larmes; mon avenir a tenu bon en fin de compte. Une semaine plus tard, je m’inscris au marathon de Philadelphie. Trois mois m’en séparent, trois mois pour renaître à la course et péter les fatidiques trois heures.

Long préambule pour en arriver à l’essentiel, non pas les championnats de duathlon de Penticton ni le marathon de Philadelphie, mais le froid, la pluie, la neige du Québec, et ces longues sorties qui prennent une drôle d’épithète en anglais : LSD, pour long slow distance, rebaptisé puérilement au gré de mes initiales pour enterrer quelque peu le slow, et y substituer la forme adverbiale du blasphème anglais. FLD.

Isabelle Daunais, pas coureuse mais enseignante universitaire et essayiste, écrit à propos du roman, qu’il « est une façon d’accéder à une ampleur de temps que bien peu d’expériences nous permettent de connaître », le singularisant parmi la palette des formes artistiques. Coureur-conteur, je m’enlise dans le temps amplifié, à dessein. Le FLD est mon canevas, cette page vierge de roman que noircit en tournant l’encre du temps. Lire Le Côté de Guermantes, courir 32 kilomètres sur le bitume mouillé, même combat : ça prend des bonnes fesses, comme dit Laferrière.

Partir à la course assez longtemps pour observer le temps changer, la journée avancer un peu, la ville modifier ses alluvions humaines. L’on revient à la maison, le ciel s’est obscurci légèrement, les promeneurs de chiens, les vieux et les moineaux ont cédé le pas (et le silence) aux badauds, aux enfants et aux mouettes. Arroseurs du matin remisés, tondeuses à l’œuvre. Les pieds, vers la toute fin, font leurs jérémiades. La douleur tisse sa toile dans le fascia plantaire, suit les fibulaires et monte d’un coup dérouiller l’appareil mandibulaire. Serrant les dents et poussant un petit rugissement, véritablement mammifère je me découvre, me résume et me consume alors. Paradoxalement, on aimerait dans ces moments que le temps et la distance affichés secrètement sur la montre placardent en scintillant nos devantures avant et arrière fatiguées au vu du plus grand nombre, par souci de transparence esthético-énergétique. Voyez, Monsieur, mon teint est blafard, et mes pieds tournent au vinaigre, mais cela fait plus de deux heures que je cisaille mes mollets.

J’écris « le froid, la pluie, la neige du Québec », mais une condition autre les embrasse et les avale à peu près : l’hypoglycémie. Hit the wall, frapper le mur, vider la tank, autant d’euphémismes costumés en métaphores boursoufflées. On estime avec ces expressions en évoquer passablement, bluffer et déculotter son auditoire, mais on dérive en vérité dans une atténuation de sens. Car le mur heurté nous impose qu’il soit ensuite ascensionné, peine autrement plus considérable au bout de laquelle seule résident les moyens de la renaissance – du sucre dans le sang. Mes hypoglycémies les plus rétives ont cependant été administrées à vélo, ces fois où sans argent ni banane je fonçais à l’ouest et à l’eau, fonçais et me vidais pour revenir promptement – avant que ne commence mon voyage en enfer sur le plat canal de Lachine aux abords de la 138 – faisant approcher plutôt que retarder mon Tourmalet* alimentaire. Pareil en ski de fond, lorsque soumis au froid qui complique tout, je ne glissais plus, mais avançais affalé sur mes pôles par saccades, sautillant sur la cambrure élastique de mes Madshus. En randonnée pédestre dans les Adirondacks, au sein des Montagnes blanches du New Hampshire et vertes du Vermont, l’état hypoglycémique conduit plutôt à une introspection mystique, au mutisme le plus inexpugnable. La forêt nous ceinture de toutes parts, mais sa beauté nous est dérobée entièrement, la conscience pognée sous sa canopée opaque, comme dans sa matière laiteuse l’alphabit indéfini noyé à l’article de la mort.

N’importe : mes souvenirs indélébiles dehors, été comme hiver, tiennent tous à l’épreuve, à l’essai solitaire de mon endurance. FLD, mes humbles initiations.

* Le célèbre Pyrénéen pourrait signifier tour à tour « mauvais détour », « montagne sèche » et « montagne lointaine ».

Un millimètre

Un millimètre

Je suis parti courir. En suivant la ligne. Pas la ligne rouge ou bleue du hockey, même si je m’ennuie terriblement de mes boys du mercredi soir; pas non plus la ligne verte du film avec Tom Hanks, à voir si ce n’est déjà fait; ni même la ligne blanche tracée à la chaux des terrains de balle de notre enfance.

Quant à l’autre ligne blanche, celle qui passe par le nez, si vous avez ça dans vos habitudes, vous êtes sûrement trop sur les nerfs pour avoir le temps de me lire.

Non, j’ai suivi la ligne jaune, toute neuve, courtoisie de la Ville qui confirme ainsi annuellement le retour de la belle saison. De la peinture sur de l’asphalte. Pas la façon la plus écologique de lancer l’été mais la tradition est là.

À Chambly, autre changement dans le décor que nous apporte l’été, la présence des joueurs de pétanque. J’avais encore le nez sur la ligne jaune quand je les ai entendus, pour la première fois de l’année.

Ils sont quelques dizaines sur ce terrain où il semble n’y avoir qu’un seul groupe d’âge, qui commence à « faites attention en vous pliant » et qui va jusqu’à « on va prendre vos signes vitaux entre deux lancers ».

On s’entend que, pour cette gang-là, le confinement a duré un peu plus longtemps. À la pétanque, il n’y a pas vraiment de circuits mineurs. Pas de pétanque pee-wee ou bantam (avec des estrades remplies de parents qui crient), pas de sport-étude, pas de pétanque sans contact, pas de pétanque de garage. Juste la grosse affaire, mixte, deux soirs par semaine, du sérieux.

Ils ont dû avoir la Covid difficile, c’est certain. Mais ça ne semble pas avoir altéré le niveau de compétition. Je tends l’oreille en passant à côté :

– M. Boulianne, c’est la mienne qui est la plus proche
– Jamais de la vie!
– On va se mesurer, alors?
– Pas de besoin de mesurer, je le sais comment tu mesures!
– M. Boulianne, c’est la première de l’année…
– On sait ben, toi, c’est toujours pareil…

J’ai perdu la suite en courant mais au retour, je n’ai pu résister à la tentation de repasser par le parc, question de voir où en étaient nos champions. M. Boulianne bougonnait encore. Un peu. Pour la forme je dirais.

Une réputation de bougonneux, ça se gagne avec le temps. Ça se maintient avec du travail et de la constance. Ce n’est pas un virus ou un démarrage tardif de saison qui va faire flancher un vétéran.

Mais je gagerais qu’au fond de lui, M. Boulianne était tellement heureux d’être là à s’obstiner. De réaliser qu’il est toujours de calibre, qu’il a encore au moins une bonne saison dans le corps et que ses adversaires ne l’auront pas facile. Je pense même qu’en lui tordant un peu le bras il aurait fini par l’admettre :

Sa balle était un millimètre plus loin. Un gros millimètre.

Courses Folles | Épisode 4 – Le grand départ!

Courses Folles | Épisode 4 – Le grand départ!

Andréanne Poisson Robert

– Poulet ou pâtes?

La voix de l’agent de bord, s’adressant aux passagers devant moi, me tire de mon sommeil. Peut-il y avoir meilleur réveil dans la vie que de se faire offrir un repas? Je ne croirais pas. Je hume l’odeur plus ou moins claire du mélange de nourriture réchauffée, du parfum au Pacioli de ma voisine d’allée et de mes chaussettes de moins en moins propres plus le voyage avance et je sens mon ventre gargouiller. Il est quand même 2 heures du matin, quelle belle heure pour souper. Je mets sur pause le film dont j’ai dû voir la moitié du générique d’ouverture avant de sombrer dans le coma grâce au cocktail parfait du voyageur : Sleep eze et vin rouge. Je déplie ma tablette, redresse mon siège et prépare déjà ma réponse à la question tant attendue lorsque les lumières des ceintures de sécurité se rallument et je vois mon plateau-repas s’éloigner rapidement en compagnie de l’agent de bord. Nonnnnnn.

– Ici votre commandant, nous traversons une zone de turbulences, veuillez regagner votre siège et attacher vos ceintures. Le service de repas reprendra dans quelques instants.

***

– Tu boudes encore? me demande Nico.

– Je ne boude pas, je suis juste extrêmement déçue, nuance.

Nico me prend par les épaules.

– Inquiète-toi pas, tu vas en manger des pâtes trop cuites d’ici la fin du voyage. dit Nico en rigolant.

Les portes automatiques s’ouvrent et une bouffée de chaleur nous écrase. Ouf l’air climatisé de l’aéroport me manque déjà.

– Bienvenue en Australie pour notre première course folle! s’écrit Marie attirant le regard intrigué des passants.

Joël improvise une petite danse de joie pas piquée des vers. Malgré nos yeux cernés et ma cheville de la taille d’une clémentine, nous sommes bien excités.

***

– Allez c’est l’heure. Marie me secoue brusquement dans mon lit.

Le décalage horaire, quelle invention inhumaine. Je ne sais pas comment on a pu se convaincre que de courir le lendemain de notre arrivée à Melbourne pour sauver 100$ sur nos billets d’avion serait une bonne idée. J’ai l’impression de m’être fait renverser par un dix roues. Et un dix roues avec des pneus à clous. J’enfile ma tenue de course. C’est fou comment je deviens superstitieuse quand il s’agit de choisir mes vêtements. Rien n’est laissé au hasard; de l’élastique à cheveux, aux bas en passant par les bobettes tout a été choisi avec soin. Éviter les frottements, légers, harmonieux et surtout interdiction de porter le chandail de l’événement le jour de la course au risque d’être foudroyé instantanément. Un chandail d’une année précédente est toutefois acceptable. J’attrape mon mélange de Gatorade et d’eau, mon rouleau de tape élastique et mes souliers de course.

On se dirige vers le départ de la course. La fébrilité nous gagne rapidement lorsque nous croisons d’autres participants déjà en train de s’échauffer. Arrivés à la table d’inscription, on récupère nos dossards, nos épingles et notre pacte de bières.
Nous y voilà. À nous le BEER MILE!

Courses Folles | Épisode 3 – L’ami Royal

Courses Folles | Épisode 3 – L’ami Royal

Andréanne Poisson Robert

Le soleil réchauffe doucement une Montréal encore endormie. Mon Bixi couine à chaque coup de pédale. Si on était en temps de guerre, on pourrait me soupçonner de communiquer des secrets d’État à l’ennemi. Couic couiiic couiiiic. Traduction : Le mot de passe de la Reine sur Tou.tv extra est ReineEli2. Ouf, la fermentation de mon kombucha me monte à la tête. Encore 10 couics de plus et Alléluia!

Je stationne mon velociraptor au parc Jeanne Mance. Pas fâchée d’être arrivée en un seul morceau, je prends le temps de zieuter les joueurs de tennis à l’œuvre. Serena peut dormir sur ses deux oreilles, aucun ne lui arrive à la jupe.

Au loin, je vois la statue de George Étienne Cartier qui m’accueille à bras ouvert comme un vieil ami. Beau temps mauvais temps, il m’attend toujours patiemment au pied du Mont Royal avec son air un peu rigide. C’est un homme fidèle ce George.

Je rejoins mon trio infernal déjà en train de s’échauffer. Dommage c’est un peu tôt pour les joueurs de tamtam, j’aime bien suivre leur rythme et sentir les effluves du printemps … La Plaza est d’un calme plat. Seuls des écureuils grimpés sur une poubelle s’offrent un petit déjeuner improvisé.

− Prête pour le dernier entraînement avant la première course de la saison? me demande Joël.

Prête ce n’est pas le mot! J’ai eu le temps de faire mes bagages trois fois et même de les perdre une fois tellement je suis excitée de partir. Ce n’est pas une sortie au Mont Royal qui va m’effrayer.

On s’attaque au chemin Olmsted d’un bon pas. Y’a dû en tomber des gouttes de sueur sur cette petite gravelle là depuis Jacques Cartier! Pas mal certaine qu’on pourrait alimenter un barrage d’Hydro grâce aux sportifs montréalais. J’allonge les foulées sans effort. C’est si agréable quand la machine est bien huilée.

Au dernier palier du grand escalier, je m’arrête et regarde la vue, question de reprendre mon souffle l’air de rien.

− Allez la touriste, laisse faire les photos on redescend pour mieux remonter. Se moque Nico.

− Pas moyen de profiter de la vue 30 secondes avec vous autres! je ronchonne.

Une petite pluie commence à tomber. On accélère le tempo question de terminer au chalet avant le déluge. Et c’est là, juste à côté de la croix, sûrement à cause de mes nombreux péchés non confessés, que mes pieds glissent dans un crottin de cheval. Merci la police montée! Je perds l’équilibre et crack. Ayoye ma cheville!

Courses Folles | Épisode 2 – Le Club de Course
Courses Folles | Épisode 1 – Le pacte