Une coureuse devenue maman

Une coureuse devenue maman

Lagezelle

Aujourd’hui, je voudrais vous emmener avec moi dans ma nouvelle réalité de maman. Oui, j’ai donné naissance à notre premier enfant le 7 septembre 2020. Comme coureuse, je ne savais pas ce que cela impliquerait d’être enceinte, d’accoucher, encore moins de devenir maman. Dans ma tête, je continuerais de m’entrainer étant enceinte comme ces femmes qu’on voit à la télévision qui s’entraînent juste avant d’aller à la maternité pour accoucher. Je pensais aussi que le lendemain de mon accouchement (ou presque) je mettrais à nouveau mes baskets pour attaquer mon prochain objectif. Après un 125 km ultra trail réussi, je voulais commencer un entrainement pour courir la distance mythique d’ultra trail, le fameux 160 km (100 miles). Vous imaginez, si vous êtes maman ou si vous êtes moins fou que moi, que cela ne se passe pas comme ça tout de suite après une grossesse. Dans cet article, je vous partage quelques textes écrits à différents moments sur ce parcours de maternité, de la conception à la maman que je suis aujourd’hui. Je tiens à souligner que les écrits sont conjugués au temps correspondant à la période à laquelle ils ont été écrits. Je veux garder le sens et l’émotion de ces écrits et que chaque personne qui lira ces lignes vive ce moment comme étant présent.

Giselle Mpaka

Avril 2020: les mauvaises surprises

J’ai vécu un automne 2019 plutôt difficile avec deux fausses couches et un arrêt prolongé de la course et tous autres entraînements. Bonne nouvelle, depuis deux ou trois mois, j’ai recommencé doucement à me remettre en forme. Pour la course ce n’est pas encore concluant, je suis vraiment très loin de ma forme d’avant. Mais pour la forme en général, mes exercices de musculation, d’étirement et ma pratique de vélo depuis le mois passé, tout va bien de ce côté-là et franchement, ça fait un bien fou psychologiquement!

Par moment, je me dis que La Gazelle n’existe plus. Comment je vais pouvoir courir un 160km si je n’arrive plus à faire un 10 km? Dans mon désespoir, je me surprends à douter de moi, alors que je suis plutôt confiante comme personne. Dans mes bons jours, je conclus que j’apprends différemment à être la Gazelle. J’apprends à avoir des objectifs modestes. J’apprivoise la femme que je deviens. J’accepte d’évoluer avec moi et pour moi, même si l’inconnu fait peur. Je suis convaincue que les forces sont transférables. Je ne me suis pas sentie comme une gazelle sur un parcours d’Ultra trail depuis un bout (printemps 2018), mais je suis en train de faire un autre genre de course, celle d’apprivoiser le monde de la maternité avec espoir. Réussir à protéger cet espoir contre des peurs et des échecs est aussi important que mes autres victoires dans la course à pied. Je vous encourage à ne pas regarder seulement votre situation actuelle, mais regardez droit devant et misez sur ce que vous pouvez faire et ne vous attardez plus sur ce que vous ne pouvez pas/plus faire.

Mai 2020: adaptation
Giselle Mpaka
J’ai enfin eu une grossesse viable. Le bonheur! Maintenant que je suis enceinte de 6 mois, voici en cinq points ce que je trouve différent dans la pratique de mon sport.

1. On court une course différente
Les maux de grossesse nous rappellent vite à l’ordre! On ne pense plus à nos entraînements et à nos objectifs, mais comment faire pour diminuer les nausées ou encore pour minimiser la fatigue. Lorsque c’est un premier bébé, en plus d’être envahi d’hormones, on est pas mal devant l’inconnu, alors parfois on panique et on navigue entre des questions sur ce qui est normal et ce qui ne l’est pas. Ce saut dans un monde inconnu à lui seul nous prend de l’énergie, alors inutile de vous dire que l’entraînement prend le bord sans même s’en rendre compte, d’autant plus que je ne sais pas pour vous, mais après deux fausses couches, j’avais une peur bleue de perdre le bébé en m’entraînant d’une quelconque façon.

2. On prend du poids
Ah oui, on n’en parle pas comme symptômes désagréables de la grossesse, mais moi je l’ajoute à la liste! Quand tu as toujours pesé plus au moins le même poids depuis des années et que du jour au lendemain (peut-être pas aussi rapidement) tu prends 10, 20, 30 livres et plus, ça fait mal à l’image de soi (qui a dit qu’on s’en fout de ce qu’on a l’air??? On se raconte des mensonges!

Je ne me reconnais pas. Je me sens lourde, rien ne me va (en vérité, ce n’est pas vrai, c’est une impression), et me regarder dans un miroir devient attristant. Alors, on apprend une leçon: quand on pense avoir une bonne estime de soi parce que sans trop faire d’efforts, on a un corps passe-partout, on comprend les autres femmes qui se sont battues toute leurs vies avec ce corps qui n’en fait qu’à sa tête. On se rend compte qu’on n’a pas une meilleure estime qu’eux, c’est juste que la nôtre n’avait pas été ébranlée jusque-là. Quelle humilité que j’en retire! C’est facile de juger les autres tant qu’on n’est pas confronté aux mêmes épreuves. À mon tour d’apprendre à aimer ce corps nouveau. À mon tour de considérer d’autres critères de beauté que la minceur, à mon tour de résister au cycle vicieux d’efforts/déceptions. Ce poids temporaire … ou pas, me pousse à revoir mes bases de qui je suis comme femme et qu’est-ce qui me détermine.

3. On apprend à s’entraîner différemment
Alors quand la pratique de la course à pieds nous fait peur par rapport à la grossesse, que les séances intenses de musculation sont déconseillées, que le printemps tarde à venir pour faire du vélo, on se trouve face à un choix limité de ce qu’on peut faire dans la liste de ce qu’on avait l’habitude de faire. Certaines personnes, en apprenant la nouvelle de la grossesse, ont hâte de faire du yoga, d’autres de la natation, mais sans mentir, je ne vois pas ces activités comme de l’entraînement, mais comme de la détente. Passer de l’entraînement intense de plusieurs jours par semaine au yoga ou à la natation, ça ne rentre pas dans ma tête! Alors quoi faire? Je déprime et je maudis la vie? Mais non, on se retrousse les manches et on cherche encore. Il y a sûrement là quelque chose qui peut faire l’affaire. Pour moi, j’ai trouvé des entraînements de musculation & cardio sur YouTube pas mal pour les femmes enceintes. Quand j’avais l’énergie, je faisais un entraînement deux fois de suite pour avoir ce sentiment d’avoir tout donné! J’ai aussi appris à apprivoiser la peur de faire mal au bébé en essayant des exercices avant de les intégrer dans ma routine. Finalement, c’est seulement à 5 mois et demi, que j’ai eu assez de confiance pour enfiler à nouveau mes chaussures de course. Là encore, pas pour faire de longues distances malheureusement ou heureusement pour ce petit bébé qui grandit en moi, mais je fais présentement 5 km à la fois. Pour moi qui étais satisfaite au minimum avec un 10km, ce n’est pas grande chose, mais c’est mieux que rien. Je suis reconnaissante de pouvoir le faire!

4. On revoit nos critères de performance
Vous l’avez sûrement compris, on n’est plus dans les mêmes critères de performances. Je ne suis pas courbaturée après mes entraînements, je ne bats aucun record, je n’améliore pas ma condition physique et je ne la maintiens peut-être même pas! Le seul critère à ce stade, c’est de garder l’habitude de faire de l’exercice, qui peu importe le niveau d’effort, est bon pour la santé!

5. On fait une pause sur les projets de course à pied à court terme
Oui, il parait que la forme physique ça se récupère et même au-delà, mais ce n’est pas pour tout de suite et c’est après des efforts intentionnés que j’y arriverai. Ma naïveté du début a disparu comme neige au soleil. Je ne pense pas faire partie de ces femmes qui accouchent et qui reprennent leur sport en peu de temps. Donc, j’ai dû accepter l’idée que les compétitions sont arrêtées pour le moment, mais aussi que je ne sais pas quand est-ce que je pourrais m’y remettre en sachant très bien que des efforts seront à fournir au moment venu. Conclusion, aujourd’hui je suis plus une femme enceinte qu’une coureuse. Et comme ce n’est pas facile de mettre ma passion de côté, je choisis d’une façon intentionnelle la grossesse. Je fais jour après jour la place à ce choix de fonder une famille. J’apprends à aimer cette course pas comme les autres. Je me renseigne sur les habiletés qu’il faut pour s’y préparer. Je reconnais avec humilité que je n’y connais rien, alors je prends une bouchée à la fois comme à mes débuts de course à pied lorsque je faisais à peine 5 minutes de course. Si Dieu me fait la grâce de réussir comme maman, alors la médaille de maman ne pourra se comparer à aucune autre médaille!

Septembre 2020: Accouchement et Post accouchement

Je ne vous dis pas comment s’est passé l’accouchement, mais seulement vous dire que pour moi la réalité a dépassé la fiction. Assis dans cette salle d’attente de la maternité, je me sens rassurée d’être là. Ils vont enfin me dire si tout va bien à propos des bobos post accouchement. Mais, je suis aussi troublée, apeurée, vulnérable. Cette salle, je la connais bien. La première fois que j’y étais, on m’a dit que mon utérus portait un œuf clair, aussi connu sous l’appellation de grossesse non évolutive, c’est un œuf qui ne dépasse pas le stade d’embryon. La deuxième fois, c’était pour me confirmer la même chose parce que je voulais plus de réponses, je ne comprenais pas et surtout je ne voulais pas y croire. La troisième fois, c’était pour l’échographie du troisième mois d’une troisième grossesse. La peur au ventre, je n’ose pas trop me projeter pour cet éventuel bonheur. Mais lorsqu’on a écouté le cœur du bébé, ce dernier battait la vie. Et moi, je me suis accrochée à ce cœur et j’y ai cru pour ne plus douter.

La quatrième fois, je pensais que mon petit trésor allait arriver. L’impression d’avoir percé la poche des eaux m’a poussé à aller consulter. Un bon moment malgré la déception que le jour J n’était pas arrivé puisque mon mari a pu entendre le cœur du bébé, ce qui n’était pas arrivé depuis des mois à cause de son travail et de la pandémie. La cinquième fois, on ne le savait pas encore, mais on allait enfin te rencontrer. Après une visite de suivi à 40,1 semaines, nous acceptons le déclenchement proposé le soir même. Retour à la maison pour prendre ce qu’il faut pour l’accouchement et nous voilà de nouveau dans cette salle d’attente avec des émotions passant de la peur à l’excitation.

Et me voilà de nouveau dans cette salle ce soir à la recherche de réponses aux maux post accouchement. Le temps qu’un médecin m’ausculte, je pense à tous ces événements dans cette salle. Le parcours pour devenir maman est parfois difficile. C’est ici que tout a pris place, ici même que le miracle de notre vie a vu le jour, mais l’expérience parentale n’est qu’au début et elle me fait peur.

Octobre 2020: Nuits difficiles
3:48 AM

Voilà une heure qui est de plus en plus familière. Si je n’allaite pas à cette heure-là, je tire mon lait, sinon je change la couche, sinon je rendors le bébé pour une fois de plus. Comment on devient habitué à quelque chose d’inhabituel? En devenant parent!

En pleine nuit, alors que le monde est endormi, la maman que je suis maintenant pense, elle pense même beaucoup. De toute façon, à cette heure-là, il n’y a pas beaucoup de choix de ce qu’on peut faire. Il y a des mamans qui magasinent en ligne, d’autres mangent, d’autres pensent. J’ai essayé les trois! Mais cette nuit, je pense. Je pense donc à ma déchirure post accouchement en train de guérir, je pense à mon retour à l’entraînement qui est plus qu’incertain puisque je ne suis pas encore guérie, je pense à quand je retrouverais un corps athlétique même si en ce moment ça ne sert à rien, je pense à moi quoi! Et puis, je pense à lui, juste à côté dans son petit lit. Est-ce qu’il a bien mangé, est-ce qu’il va bien dormir, jusqu’à quelle heure il va dormir, à quelle heure son père l’a changé avant le dodo et voilà que rapidement, il n’est plus question de moi, mais de lui, ma nouvelle vie, mon nouvel objectif, mon nouvel entraînement. C’est lui qui régule tout. C’est lui le déstabilisateur et le stabilisateur de ma vie maintenant.
Est-ce que je suis encore une coureuse? Oui, je cours la plus importante des courses, celle d’être maman. Je ne me rends juste pas compte, pas encore!

Novembre 2020: le corps

Je suis à trois mois post accouchement. Je regarde mon corps et j’ai le goût d’essayer tous les régimes miracles qui existent sur terre pour me débarrasser de ce ventre. J’ai envie de courir, pas pour le plaisir comme avant, mais pour perdre quelques livres. Mais si je suis raisonnable aucune de ces solutions n’est bonne. Les régimes, j’en ai jamais fait et je m’interdis d’aller dans cette voie. La course, je viens d’avoir la permission par la physiothérapeute périnéale de commencer, pas d’accélérer, mais de commencer. Donc, je commence la course avec cette vérité en tête: la course est juste. Elle vous donne toujours ce que vous êtes capable de prendre. Les paresseux n’y ont pas leur place, mais les orgueilleux non plus. Souvent des gens courent pour perdre du poids. Ça aurait pu être mon cas, si le corps avait suivi. Nous souhaitons tel ou tel autre changement sur notre corps. Ce matin, je m’encourage et je vous encourage à aimer nos corps malgré toutes les parties que nous voulons changer. Il s’agit d’apprécier les changements aussi petits soient-ils. Il s’agit d’accepter le rythme que le corps prend pour cette transformation désirée. C’est aussi le fait de ne pas se comparer aux autres coureurs et coureuses. Aimer son corps, c’est résister à l’envie de se surentrainer.

Mai 2021: maman et coureuse
Giselle Mpaka
Rééducation périnéale, renforcement du périnée, en passant par un retour à la course progressive, la Gazelle est bien là! Je ne suis plus la même coureuse. J’écoute plus mon corps. Alors que ça soit avec mon bébé en poussette ou toute seule, je cours à nouveau ma vie dans les rues de Montréal et les trails avoisinant ma ville. J’ai revu mon objectif à la baisse (très), mais l’heure n’est pas à la déception, mais à la fierté. Au lieu de m’entrainer pour un ultra trail de 160km, je serai à la ligne de départ du QMT pour un 25 km début juillet cette année. Objectif modeste, mais toujours avec le plaisir de courir et le cœur reconnaissant de pouvoir le faire! Je termine en saluant tous les parents qui par différents jonglages arrivent à faire du sport. Vous avez toute mon admiration!

Courir après la grossesse : comment s’y prendre ?

Courir après la grossesse : comment s’y prendre ?

On le sait tous : la grossesse apporte énormément de changements corporels. On ne peut pas donner naissance et recommencer notre sport comme avant dès le lendemain matin : il y a certaines étapes à suivre pour assurer une bonne récupération et une reprise efficace de l’activité physique ! En ce qui concerne la course, c’est un sport qui requiert l’utilisation de tout le corps en plus d’imposer des impacts sur le corps. Voici les étapes pour reprendre en toute sécurité et de façon efficace :

1. Se laisser du temps !
Le corps est passé par toutes sortes d’étapes durant environ neuf mois pour mettre au monde un bébé. Ce n’est pas à négliger ! Il est important de lui accorder le temps nécessaire pour récupérer avant de reprendre les activités. On estime environ 6 à 9 semaines minimum pour un accouchement vaginal, et au moins 9 à 12 semaines à la suite d’une césarienne. Dans tous les cas, il est très fortement suggéré de consulter en physiothérapie périnéale ainsi que d’obtenir l’avis de votre médecin afin d’évaluer selon votre condition physique.

2. Consulter des professionnels spécialisés
La meilleure chose que vous pouvez faire pour revenir rapidement à la course en période postnatale est de prendre rendez-vous avec un.e physiothérapeute périnéal.e et avec un.e kinésiologue spécialisé.e en périnatalité. C’est un investissement qui vaut DE L’OR pour votre santé et qui va vous permettre d’éviter bien des désagréments ! Ceux-ci vont vous guider dans votre réadaptation et votre reprise du sport de façon professionnelle et personnalisée.

3. Suivre les étapes
La reprise d’un sport tel que la course ne devrait pas se faire d’un coup sec, mais bien en suivant des étapes afin de diminuer le risque de blessures et de séquelles qui pourraient persister dans le temps. On commence d’abord par marcher, rééduquer notre ceinture abdominale, ré-habituer progressivement notre corps aux impacts. Ceci est d’autant plus important si vous allaitez, puisque certaines hormones vont encore aller influencer votre mobilité et votre capacité physique.

4. Bien s’entourer
Je suggère à mes clientes en post-partum de s’entourer d’autres femmes qui vivent ou ont vécu la même chose. La grossesse est une étape non négligeable dans la vie d’une femme; énormément de changements corporels et psychologiques surviennent et ça peut faire du bien d’en discuter avec d’autres personnes qui comprennent la situation. Il existe des séances de course à pied en groupe adaptées aux nouvelles mamans, comme par exemple avec l’entreprise Bougeotte & Placotine, que je vous conseille fortement d’aller voir.

Si vous êtes enceinte ou déjà maman, n’hésitez pas à m’écrire afin d’évaluer votre situation et de bouger de façon sécuritaire et adaptée à vos objectifs. Je suis joignable par courriel juste ici : stephanie.kinesio@gmail.com.
Bonne course !